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Introduction
Le droit de vote est sans l’ombre d’un doute l’un des grands piliers de la démocratie moderne. Cette note de recherche permettra d’en identifier la nature et les enjeux contemporains. Dans un premier temps, un rapide survol historique de son exercice au Canada, tant à la période pré-Confédérative qu’à la période post-confédérative permettra d’en cerner l’origine. Dans un deuxième temps, une analyse des textes législatifs provinciaux et fédéraux servira à fixer le cadre légal entourant son exercice. Finalement, les principaux enjeux l’entourant seront abordés à la lumière de l’actualité des dernières années.
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Historique du droit de vote au Canada
Il convient de cerner l’évolution historique du droit de vote en passant par ses origines et les grandes luttes sociales qui l’ont façonné. Il sera d’abord question d’analyser le contexte précédant la création de la Confédération en 1867, puis de peindre le tableau suivant la création de cette dernière. La dernière section sera consacré à un survol des dates clefs relatives à l’accession du droit de vote chez différents groupes sociaux.
1.1. Période pré-Confédérative
Mentionnons d’emblée que cette période est caractérisée par la présence de nombreuses colonies britanniques sur le continent nord-américain et par la décentralisation progressive des pouvoirs législatifs[1]. Les colonies, exerçant les pouvoirs exécutifs et judiciaires, ne pouvaient se doter de législatures coloniales, puisque le pouvoir législatif revenait au Parlement impérial.[2] Or, la décentralisation du pouvoir législatif a permis aux colonies d’élire leur première assemblée législative : Nouvelle-Écosse (1758)[3], Île-du-Prince-Édouard (1773)[4], Nouveau-Brunswick (1785)[5], Bas-Canada et Haut-Canada (1791)[6] et Terre-Neuve (1832)[7].
Le corolaire naturel de cette décentralisation est l’accession au droit de vote. Cependant, les conditions et modalités d’exercices du droit de vote étaient très différentes de celles que l’on retrouve aujourd’hui. En effet, précisons que dans la plupart des colonies, le droit de vote était censitaire, il fallait être propriétaire foncier pour pouvoir voter.[8] Le vote se faisait de vive voix, il n’y avait donc pas de scrutin secret.[9] En outre, la date des élections pouvait varier d’une circonscription à une autre et ces dernières pouvaient fermer lorsqu’une heure passait sans qu’il y ait d’électeurs.[10] Certaines colonies assujettissaient l’exercice du droit de vote à un serment de loyauté, lequel empêchait des groupes religieux de l’exercer.[11] Étonnamment, des femmes ont pu exercer le droit de vote, toutefois cette pratique n’était pas universelle et n’a eu lieu que pour une durée limitée dans les colonies où elle fut présente.[12]
1.2. Période post-Confédérative
En fusionnant en un seul et même Dominion, les colonies britanniques qui ont créé la Confédération sont devenues des provinces. L’Acte de l’Amérique du Nord britannique (ci-après AANB) prévoit que chaque province possède une assemblée législative afin d’exercer son pouvoir législatif.[13] Les provinces ont le pouvoir d’établir les conditions et les modalités d’exercice du droit de vote sur leur territoire.
Or, l’AANB prévoit également qu’un parlement exercera le pouvoir législatif à un autre niveau, le parlement du Canada.[14] Ce parlement légifère sur les compétences fédérales. Jusqu’à ce que le parlement du Canada n’intervienne sur la question, les conditions d’éligibilités du droit de vote ainsi que ses modalités sont établies par les provinces.[15] Ce n’est seulement qu’en 1885 que le parlement du Canada interviendra en adoptant l’Acte du cens électoral, mais le gouvernement libéral de Wilfrid Laurier donnera la tâche aux provinces de dresser les listes électorales 13 ans plus tard.[16]
Ainsi, il faudra attendre l’entrée en vigueur de la Loi des élections fédérales de 1920 avant que le droit de vote soit légiféré par le fédéral.
1.3 Accessibilité du droit de vote
Le 20ième siècle fut le théâtre de nombreuses réformes quant à l’inclusion de différents groupes sociaux de la société canadienne. Le premier étant les femmes qui obtiendront le droit de vote progressivement entre 1917 et 1918 au niveau fédéral et de 1916 à 1940 aux élections provinciales. Le deuxième groupe, les canadiens autochtones, ne pouvait pas voter à moins de se conformer à un processus d’émancipation. En d’autres termes, les autochtones étaient contraints de renoncer à leurs droits ancestraux pour pouvoir participer à ce processus sous les anciennes dispositions de la Loi sur les Indiens. La situation prit fin en 1960 aux élections fédérales et en 1969 aux élections provinciales avec l’adoption par le Québec de la Loi donnant le droit de vote aux Autochtones.[17] Le troisième groupe, les citoyens canadiens d’origines asiatiques ont définitivement eu accès au droit de vote en 1948.[18]
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Cadre légal entourant le droit de vote
À cette étape, il convient d’aborder le droit de vote d’une part, selon la Charte canadienne des droits et libertés[19] et d’autre part, selon les dispositions législatives provinciales et fédérales en balisant l’exercice.
2.1. Un droit constitutionnalisé
Les articles 3 et 15 de la Charte canadienne témoignent de la constitutionnalisation du droit de vote, le premier constitue le droit même, le deuxième l’assurance de son application à tous :
Art.3 : Tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales ou provinciales.
Art. 15. (1) La loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, t tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences mentales ou physiques.[20]
Il n’est pas possible pour le Parlement ou la législature d’une province d’y déroger, l’article 3 ne faisant pas partie des dispositions visé par l’article 33 de la Charte canadienne.[21] Le droit de vote ne peut donc qu’être restreint que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique.[22] Il existe également un droit à ce que le scrutin soit secret et un droit à ce que son vote soit honnêtement compté et enregistré.[23]
2.2. Qualité d’électeur Loi électorale du Canada
La Loi électorale du Canada[24] qualifie d’électeur toute personne qui, le jour du scrutin, est citoyen canadien et a atteint l’âge de dix-huit ans. Elle pose ainsi deux conditions : la majorité et la citoyenneté canadienne.
Elle formule également des inhabilités visant notamment les détenus purgeant une peine de plus de deux ans, le directeur des élections et le directeur adjoint des élections.[25] Concernant les incapacités, la Loi électorale du Canada ne prévoit plus de dispositions retirant ou restreignant le droit de vote aux électeurs souffrant d’handicaps cognitifs.
2.3. Dispositifs assurant l’exercice du droit de vote selon la Loi électorale du Canada
L’exercice du droit de vote se fait sur une base volontaire. Les employeurs doivent permettre à leurs employés d’exercer leur droit de vote le jour du scrutin en prévoyant une plage de trois heures consécutives au minimum.[26] Des bureaux de scrutins peuvent être créés pour en faciliter l’accès.[27] Par ailleurs, il est possible de transporter le matériel nécessaire pour permettre aux personnes résidentes dans un foyer de personnes âgées ou un établissement pour le traitement d’affections chroniques de voter.[28] Il existe également des bulletins de vote spécial pour les électeurs résidant temporairement à l’étranger, les électeurs résidant au Canada et les électeurs incarcérés.[29]
2.4. Qualité d’électeur dans les différentes législatures
Il est possible d’identifier un dénominateur commun, les provinces exigent que les électeurs aient au moins 18 ans le jour du scrutin et qu’ils soient citoyens canadiens. Toutefois, il existe des divergences entre les provinces concernant la résidence des électeurs. La majorité des provinces exigent que l’électeur éligible réside dans la province depuis six mois et qu’il réside ordinairement dans la circonscription électorale où il entend voter.[30] Certaines provinces n’exigent que la résidence ordinaire dans la circonscription électorale sans indiquer de temps quant à la résidence dans la province.[31] Le Québec se distingue en ce sens qu’il exige que l’électeur soit domicilié au Québec depuis six mois[32], la notion de domicile étant différente de celle de résidence en droit civil québécois.
2.5. Dispositifs assurant l’exercice du droit de vote dans les différentes législatures
Les provinces utilisent des mécanismes similaires à ceux qu’on retrouve au niveau fédéral pour assurer l’exercice du droit de vote. Dans la plupart des provinces, les employeurs doivent permettre à leurs employés d’exercer leur droit de vote le jour du scrutin durant une période de trois heures consécutives sans effectuer de retenue de salaire.[33] Au Québec, les employeurs doivent fournir quatre heures consécutives.[34] Des mécanismes existent également pour faciliter l’accès aux bureaux de vote dans les établissements d’enseignements et d’hébergements.[35]
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Enjeux entourant le droit de vote au cours des dernières années
De nos jours, des pratiques établies et suggérées alimentent les discussions afin de modifier le cadre légal entourant le droit de vote :
- Vote par procuration : Une pratique légale au Yukon et au Nunavut. Par cette dernière, les électeurs ont la faculté de nommer un mandataire afin d’exercer leur droit de vote.[36] En principe, les électeurs ne peuvent avoir recours au vote par procuration que lorsqu’ils sont à l’extérieur du territoire le jour du scrutin. Cependant, il semblerait que cette pratique subisse des accrocs. En effet, aux élections générales du Yukon de 2016, une candidate aurait sollicité des électeurs marginalisés afin de leur faire remplir un formulaire de vote par procuration. La gendarmerie royale du Canada enquête actuellement sur le dossier.[37]
- Réduction de la limite d’âge: Dans un deuxième temps, avec le taux de participation faible aux élections, il est envisagé d’étendre le droit de vote aux Canadiens âgés de 16 ans afin d’augmenter le taux de participation chez les jeunes canadiens. Une idée qui soulève des enjeux quant à la maturité et la conscientisation des jeunes, mais aussi quant à leur réalité. Plusieurs d’entre eux doivent acquitter des obligations relativement similaire à celles d’électeurs plus âgés, tel que le paiement de taxes ou encore l’occupation d’un emploi.[38] Soulignons la participation récente des électeurs 16 à 17 ans de l’Île du Prince Édouard à un plébiscite sur le mode de scrutin.[39]
- Accessibilité au processus électoral: Malgré une évolution notable tant au niveau fédéral que provincial, l’accessibilité au processus électoral semble toujours poser problème pour les Canadiens souffrant d’un handicap physique. Que ce soit l’emplacement des bureaux de scrutin ou encore la technologie utilisée, l’exercice du droit de vote peut être ardu voir repoussant compte tenu des contraintes qui sont imposées à ces électeurs. Mentionnons à titre d’exemple les électeurs ayant un handicap visuel, ces derniers devant, dépendamment de la gravité de leur handicap, se fier à une tierce personne pour remplir leur bulletin de vote.[40]
- Vote obligatoire: Certains suggèrent d’instaurer un processus électoral dans lequel le droit de vote serait obligatoire. Une mesure qui existe en Australie depuis 1924.[41] Pour le moment l’exercice du droit est volontaire, les électeurs ont notamment la possibilité de se retirer de la liste électorale.
- Vote des Canadiens expatriés : Il est question ici des expatriés de longue date, ceux qui sont à l’étranger depuis plus de cinq ans. La Cour Suprême du Canada, devra se pencher sur la constitutionnalité de la législation fédérale actuelle qui les prive du droit de participer au processus électoral. La date d’audition n’est pas encore fixé.[42]
References
[1] Henri BRUN, Guy TREMBLAY et Eugénie BROUILLET, Droit constitutionnel, 5e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2008, p. 410
[2] ibid.
[3] Buckie, C., La démocratie parlementaire en Nouvelle-Écosse : début et évolution, Province de la Nouvelle-Écosse, 2011, p.16
[4] Legislative Assembly of Prince Edward Island (2017) Timeline of The Legislative Assembly of Prince Edward Island, Repéré à http://www.gov.pe.ca/photos/original/assemblytimelin.pdf
[5] Élections Nouveau-Brunswick (2016) Histoire des élections provinciales. Repéré à http://www.electionsnb.ca/content/enb/fr/about-us/histoire.html
[6] Toussignant, P. (2015) L’Acte constitutionnel de 1791. Repéré à http://www.encyclopediecanadienne.ca/fr/article/lacte-constitutionnel-de-1791/
[7] House of Assembly Newfoundland and Labrador (2017) History of the House of Assembly, Repéré à http://www.assembly.nl.ca/education/history.htm
[8] Élections Canada., L’Histoire du vote au Canada, Bureau du directeur général des élections du Canada, Bibliothèque et Archives Canada, 2007, p.6
[9] ibid., p. 3
[10] ibid.
[11]ibid., p.13
[12] Strong-Boag, V. (2016) Droit de vote des femmes au Canada. Repéré à http://www.encyclopediecanadienne.ca/fr/article/droit-de-vote-des-femmes-2
[13] Loi constitutionnelle de 1867 (R.-U.), 30 & 31 Vict., c. 3, reproduite dans L.R.C. 1985, app. II, nº 5., arts 69, 71 et 88
[14] ibid., art17
[15] ibid., art 41
[16] supra, note 8 p. 40
[17] Leslie, J.F. (2016) Droit de vote des peuples autochtones. Repéré à http://www.encyclopediecanadienne.ca/fr/article/droit-de-vote-des-peuples-autochtones/
[18] Fondation Historica (2006) Le droit de vote s’étend : les Canadiens d’origine asiatique et le droit de vote. Repéré à http://www.histori.ca/voices/page.do?pageID=388
[19] Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11
[20] ibid., arts 3 et 15
[21] ibid., art 33
[22] ibid. , art 1
[23] Renvoi : Circ. électorales provinciales (Sask.), 1991 CSC 158, à la page 166
[24] Loi électorale du Canada, L.C. 2000, ch.9
[25] ibid., art 4
[26] ibid., art 132
[27] ibid., art.122
[28] ibid., art 157
[29] ibid., arts 227, 237 et 258
[30] Election Act, RSA. 2000 ch. E-1, art 16 (Alberta); The Election Act, SS. 1996 ch. E-6.01, art 16 (Saskatchewan); The Elections Act, CCSM. 2006 ch. E30, art 5 (Manitoba); Election Act, RSBC. ch. 106, art. 29 (Colombie-Britannique); Elections Act, SNS. 2011 ch. 5, art. 38 (Nouvelle-Écosse); Election Act, RSPEI. 1988, ch. E-1, art 20 (Île-du-Prince-Édouard).
[31] Election Act, RSO. 1990 ch. E.6, arts 1.1 et 15 (Ontario) ; Elections Act, RSNB. 1973 ch. E-3, art. 43 (Nouveau-Brunswick) ; Elections Act, SNL. 1992 ch. E-3.1, arts.23 et 26 (Terre-Neuve)
[32] Loi électorale, RLRQ. c.E-3.3
[33] Election Act, RSO. 1990 ch. E.6, art 6 (Ontario); Elections Act, RSNB. 1973 ch. E-3, art 86 (Nouveau-Brunswick); Loi électorale, RLRQ. c.E-3.3, art 335 (Québec); Election Act, RSA. 2000 ch. E-1, art 132 (Alberta)
[34] supra, note 32 art 335
[35] ibid.
[36] Elections Act, RSY 2002, art 106
[37] CANADIAN BRODCASTING NEWS. (27 octobre 2016). «Liberal candidate defends use of proxy votes for marginalized people», CBC news, Repéré à http://www.cbc.ca/news/canada/north/tamara-goeppel-proxy-votes-elections-yukon-1.3823292
[38] GLOBAL NEWS. (28 janvier 2016), «Voting at sweet 16? A new Parliamentary bill hopes so», Global news, Repéré à http://globalnews.ca/news/2484382/voting-at-sweet-16-a-new-parliamentary-bill-hopes-so/
[39] SOCIÉTÉ RADIO-CANADA. (29 septembre 2016). «Plébiscite à l’Î.-P.-É. : les jeunes appelés aux urnes», Radio-Canada, Repéré à http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/805874/acadie-ipe-plebiscite-vote-reforme-electorale-jeunes
[40] CANADIAN BRODCASTING NEWS. (12 septembre 2015). « Photo GalleriesCBC SecureDrop
Disabled voters still face accessibility challenges at the polls, advocates say», CBC news, Repéré à http://www.cbc.ca/news/politics/canada-election-2015-disabled-voters-challenges-polls-1.3225715
[41] Australian Electoral Commission (2011) Compulsory voting in Australia. Repéré à http://www.aec.gov.au/About_AEC/Publications/voting/index.htm
[42] Cour Suprême du Canada (2016) Gillian Frank, et al. c. Procureur général du Canada. Repéré à http://www.scc-csc.ca/case-dossier/info/sum-som-fra.aspx?cas=36645
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