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Il y a eu beaucoup de discussions et une certaine agitation quant à savoir si et quand le gouvernement fédéral déclarera une urgence. Serons-nous régis par la « loi martiale » ? Les droits à une procédure régulière cesseront-ils d'exister ? Y aura-t-il une prise de pouvoir massive du gouvernement fédéral?

Pour les défenseurs des libertés civiles, invoquer une législation d'urgence est généralement considéré comme non-non. En tant que chien de garde des droits civiques pour les droits et libertés civiques, l'Association canadienne des libertés civiles suit de près les développements. Nous reconnaissons la nécessité de mesures extraordinaires, mais voulons également nous assurer que nos gouvernements sont transparents et responsables. Les pouvoirs des provinces en vertu des lois d'urgence sont considérables et nous devons nous assurer que leur exercice est autorisé par la loi, justifié et que les mesures prises en cas d'urgence ne deviennent pas simplement notre « nouvelle norme ».

Personne ne devrait être blâmé d'avoir reconnu que nous sommes confrontés à une situation d'urgence et de se demander pourquoi le gouvernement fédéral ne déclarera pas - explicitement et catégoriquement - que tel est le cas en vertu de la loi prévue à cette fin. Mais nous surestimons peut-être à la fois le pouvoir de nos lois d'urgence et sous-estimons ce qui peut être fait sans pour autant en les invoquant.

Exemple concret : le gouvernement a rappelé le Parlement (ou une version plus petite de celui-ci) pour adopter le paquet de prestations promis aux Canadiens par le Premier ministre lors de ses briefings COVID-19. Selon de nombreuses sources, la version préliminaire du projet de loi fournie aux députés contenait des dispositions censées permettre au gouvernement d'imposer, de dépenser et d'emprunter des fonds, sans approbation ni contrôle parlementaire, jusqu'à la fin de 2021. Heureusement, il semble que nos institutions démocratiques fonctionné comme ils le devraient, et les députés ont repoussé ce qui a entraîné des négociations et l'adoption d'un projet de loi plus modéré. Malheureusement, il n'y avait pas de version accessible au public du projet de loi pendant des heures après son adoption à la Chambre des communes, et les Canadiens n'ont pas (et pourraient ne jamais) voir l'ensemble initial de propositions auquel les députés de l'opposition se sont si fortement opposés. Encore plus inquiétant, si nous n'étions pas dans un gouvernement minoritaire pour le moment, ce qui semble avoir été une prise de pouvoir importante pourrait bien avoir été incontrôlée.

Il est étrange d'être en position de dire qu'il n'est peut-être pas très important que le gouvernement fédéral invoque la Loi sur les mesures d’urgence. Cette loi a été adoptée en 1988 et diffère considérablement de la Loi sur les mesures de guerre qui l'a précédé, et qui est tristement célèbre pour avoir autorisé l'internement de Canadiens d'origine japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale et les violations généralisées des libertés civiles pendant la crise d'octobre en 1970. Ceux qui soutiennent que le gouvernement fédéral devrait exercer ses pouvoirs en vertu de la loi ne peuvent pas réaliser que malgré l'étendue considérable de ces pouvoirs, ils sont également soumis à des limitations importantes. Les Loi sur les mesures d’urgence stipule explicitement que les mesures temporaires prises en vertu de celui-ci sont soumises à la Charte des droits et libertés et il faut également tenir compte de la Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il est peu probable, par exemple, que le Loi sur les mesures d’urgence pourrait être invoqué pour interdire les voyages interprovinciaux en l'absence d'une justification impérieuse pouvant être manifestement (c.-à-d. fondée sur des preuves) justifiée – les citoyens et les résidents permanents ont des droits de mobilité en vertu de l'art. 6 du Charte. La Loi sur les situations d'urgence exige également l'approbation parlementaire de la déclaration d'urgence et des directives ou actions autorisées en vertu de cette déclaration. Les freins et contrepoids démocratiques normaux restent sensiblement intacts. Si la proposition initiale du gouvernement fédéral concernant les pouvoirs d'imposition et de dépenses non contrôlés avait été adoptée, cela leur aurait donné plus de pouvoir que le Loi sur les mesures d’urgence Est-ce que.

Le premier ministre a répété à plusieurs reprises à quel point il serait important d'invoquer la loi d'urgence. C'est vrai dans un sens : invoquer une situation d'urgence au niveau fédéral retirerait ou pourrait retirer des pouvoirs substantiels aux provinces et aux territoires. Dans un autre sens, cependant, déclarer une urgence de bien-être public au niveau fédéral serait à la limite du banal à ce stade. Pour la plupart des Canadiens, il est peu probable que les conditions sur le terrain changent. Toutes les provinces et tous les territoires ont déclaré des états d'urgence ou des urgences de santé publique, tout comme de nombreuses municipalités canadiennes. Les pouvoirs contenus dans les lois provinciales sont sans doute beaucoup plus larges que ceux décrits pour les urgences de bien-être public dans la loi fédérale. Les Canadiens sont invités à rester chez eux, de nombreux services et entreprises sont fermés et les recommandations en matière de distanciation sociale sont étayées par des interdictions légales des grands (et parfois des petits) rassemblements sociaux. La vie a radicalement changé la semaine dernière. Il est peu probable qu'une déclaration fédérale d'urgence fasse beaucoup plus.

Certains suggèrent que le pouvoir fédéral pourrait aider à établir une cohérence à travers le pays. Mais est-il raisonnable d'imposer les mêmes normes à travers le pays étant donné nos géographies et nos cultures très différentes ? Est-il sensé d'appliquer toutes les mêmes règles à une communauté nordique éloignée qu'à une ville densément peuplée? En fin de compte, la question d'une urgence fédérale est une question qui, selon la loi, doit être tranchée en consultation avec les provinces. D'un point de vue politique, cela nécessite sans doute leur consentement et, dans ce cas, un consensus. Le premier ministre du Nouveau-Brunswick a dit qu'il aimerait que le gouvernement fédéral prenne cette mesure, mais il semble que d'autres premiers ministres ne soient pas d'accord.

Nous avons beaucoup de soucis ces jours-ci. Nous devons rester en bonne santé et veiller les uns sur les autres. Nous devons protéger nos droits tout en reconnaissant nos responsabilités collectives. Nous devons aider nos enfants à gérer l'incertitude et l'anxiété qui accompagnent une crise de santé publique. Mais s'inquiéter du fait que le gouvernement fédéral invoque le Loi sur les mesures d’urgence est une chose que nous pouvons rayer de la liste. Leur capacité à abuser du pouvoir existe malgré tout et notre vigilance aussi.

Cara Zwibel est directrice du programme des libertés fondamentales à l'Association canadienne des libertés civiles. En tant qu'avocate, elle a comparu devant la Cour suprême du Canada et y a fait son stage.

À propos de l’association canadienne sur les libertés civiles

L’ACLC est un organisme indépendant à but non lucratif qui compte des sympathisant.e.s dans tout le pays. Fondé en 1964, c’est un organisme qui œuvre à l’échelle du Canada à la protection des droits et des libertés civiles de toute sa population.

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