10 novembre 2020
À: VIDÉOCONFÉRENCE FÉDÉRALE-PROVINCIALE-TERRITORIALE DES MINISTRES RESPONSABLES DES DROITS DE L'HOMME,
RENCONTRE AVEC LES ORGANISATIONS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE ET LES COMMISSIONS DES DROITS DE LA PERSONNE LE MARDI 10 NOVEMBRE 2020, DISCUSSION EN TABLE RONDE : « LES DROITS DE LA PERSONNE AU CANADA EN DES TEMPS DÉFIS »
DE: MICHAEL BRYANT
MATIÈRE: SOUMISSION DE L'ASSOCIATION CANADIENNE DES LIBERTÉS CIVILES À LA CONFÉRENCE FPT
Ce mémorandum présente les soumissions de l'Association canadienne des libertés civiles (ACLC) aux ministres FPT responsables des droits de la personne, en mettant particulièrement l'accent sur la gestion FPT de la pandémie de COVID. Si je dois vous expliquer qui nous sommes, alors nous ne faisons pas un assez bon travail dans votre juridiction. Une grande partie de notre travail se fait par voie de litige, auquel cas nous sommes parfois opposés. L'ACLC a comparu devant la Cour suprême du Canada et à tous les niveaux de tribunaux plus que toute autre ONG nationale des droits de la personne au Canada, depuis notre genèse en 1964. Notre mandat est de changer la loi lorsque les gouvernements ou les législatures limitent les libertés civiles contrairement à la Constitution du Canada.
Nous sommes reconnaissants de l'occasion de participer à cette réunion FPT. Notre expérience au fil des décennies a montré que le plaidoyer fondé sur les problèmes par le biais des instances législatives et FPT a eu moins d'impact que les litiges, mais nous défendons néanmoins la cause. Plus tôt cette année, l'ACLC a publié un rapport, notant les juridictions FPT sur leur traitement des droits de la personne au Canada pendant votre gestion des urgences de COVID19. Nous sortons un autre rapport, l'été dernier, sur l'application des nouvelles règles COVID par le biais de frais et de contraventions. Les deux rapports sont en cours de mise à jour au moment de la rédaction de cet article, de nouvelles versions étant publiées plus tard en novembre et au début de 2021.1 Notre site Web fournit également des mises à jour régulières, parfois quotidiennes, des questions relatives aux droits de l'homme soulevées pendant cette pandémie.
Étant familier avec les réunions FPT et en ayant co-organisé une avec l'hon. Irwin Cotler à l'époque, je suis conscient de ses limites. Permettez-moi donc de me concentrer sur un seul sujet (le racisme) et de me concentrer ici sur vos systèmes ou votre infrastructure plutôt que sur les nombreux problèmes critiques eux-mêmes, qui sont mieux couverts par les rapports susmentionnés de l'ACLC. Après tout, là où il y a des défaillances dans les systèmes conçus pour protéger les droits de la personne au Canada, il y a peu ou pas de possibilité de conformité constitutionnelle. Là où cela se produit, ce sont toujours les personnes vulnérables qui souffrent le plus. Nous avons donc deux soumissions de base : l'une sur nos institutions ; l'autre est pratique. Je vais aborder ce dernier au début.
COLLECTE DE DONNÉES BASÉE SUR LA COURSE
Comme l'a souvent déclaré le conseiller spécial de l'ACLC sur le racisme anti-noir, le professeur Akwasi Owusu-Bempah nous rappelle que nous ne pouvons pas mesurer la performance du Canada en matière de droits de la personne sans certaines mesures. Nous avons plus que jamais besoin de données fondées sur la race au Canada. Bien que le gouvernement fédéral fasse des progrès sur ce front, en fait, il est plus important que toutes les juridictions FPT recueillent des données fondées sur la race, d'une manière coordonnée au niveau FPT ou autrement. Ce sont ces juridictions qui sont responsables de l'administration de la justice, y compris les tribunaux et les codes provinciaux/territoriaux des droits de la personne. Il se peut qu'il y ait des implications de coûts nécessitant des considérations de fédéralisme fiscal, bien que cela ne doive pas retarder l'action sur ce front.
La méthode de réalisation de la collecte FPT de données basées sur la race est mieux laissée à votre expertise en tant que politiciens et mandarins adeptes de l'art du possible. Il s'agit d'un élément « faisons-le » qui est important peu importe votre point de vue sur l'état du racisme au Canada : si, comme le premier ministre du Québec, vous êtes confiant que votre juridiction peut démontrer sa conformité constitutionnelle, alors vous n'avez qu'à gagner de la preuves empiriques pour le prouver. Si vous partagez notre point de vue sur ce sujet, en revanche, mesurer les progrès par la collecte de données sera indispensable aux politiques de lutte contre le racisme. Il est temps de découvrir toute la vérité sur le racisme au Canada. La recherche de cette vérité nécessite la collecte de données fondées sur la race par toutes les juridictions canadiennes.
Nous nous rendons compte qu'un obstacle pragmatique à la collecte de données fondées sur la race, dans certaines juridictions, se trouve dans le pouvoir judiciaire et son indépendance administrative. C'est une question qui requiert votre attention vitale et la dépense de capital politique. Les gouvernements devraient faire appel aux ONG et aux alliés des droits de l'homme pour atteindre cet objectif. Le cas échéant, des modifications législatives seront nécessaires de toute urgence. La collecte de données fondées sur la race d'un océan à l'autre est une réalisation pratique qui constituera le fondement des futures réformes des droits de la personne.
IMPACT DE LA COVID SUR L'ÉTAT DE DROIT AU CANADA
À divers moments et de diverses manières, les gouvernements FPT se sont rendus coupables de respecter la loi après coup dans les délibérations de leur gouvernement, puis dans les communications publiques au cours de séances d'information « officielles » (souvent quotidiennes). Que ces séances d'information publiques, par le Premier ministre, le ministre de la Santé ou le médecin-chef, soient traitées comme « officielles », dément le problème : en 2020, nous sommes passés d'une nation trop souvent gouvernée non par des lois, comme l'exige notre constitution, mais par des podiums.
Le principal problème avec l'affaiblissement de l'État de droit est la désactivation de notre constitution. Le problème avec cela, à son tour, est la suppression du principal bouclier des droits de l'homme contre les excès du gouvernement. Comme l'a dit l'ancienne SCC Justice et Commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies, Louise Arbour :
Dans une démocratie, la majorité a tous les outils. Il a les voix. Il peut faire ce qu'il veut. Tout l'intérêt d'avoir des protections juridiques pour les droits de l'homme et les libertés civiles est d'utiliser la loi pour restreindre les abus de la majorité.2
L'effondrement des protections juridiques supprime donc notre seule contrainte contre la gestion des urgences fondée sur la peur pendant une pandémie. Par exemple, un ministre de la Justice a-t-il déterminé que les violations des droits de mobilité étaient manifestement justifiées au moment où les interdictions de voyager ont été décidées et mises en œuvre ? Ou est-ce juste arrivé, après quoi la réponse au litige a été assemblée. Un ministère de la Justice s'est-il inséré dans les discussions concernant l'application de la quarantaine P/T par des perquisitions sans mandat de domicile, ou cela a-t-il été présenté au Cabinet comme un fait accompli ? C'est cette répartition des protections juridiques qui sera abordée immédiatement ci-dessous.
Les constitutions du Canada ont été conçues (i) pour diviser et limiter les pouvoirs gouvernementaux selon la compétence FPT (Loi constitutionnelle de 1867); et (ii) protéger les droits de l'homme contre ces pouvoirs gouvernementaux (Loi constitutionnelle de 1982). Les deux objectifs constitutionnels sont testés pendant COVID.
La décentralisation des pouvoirs de gestion des urgences signifie que les Canadiens ont reçu des approches différentes de la part de différents gouvernements FPT. Ces différences régionales peuvent être importantes, comme le montre notre rapport susmentionné sur l'application des nouvelles règles COVID, malgré le fait que nos droits humains devraient être universels. Outre cette variation régionale, la confusion publique surgit puisque ce qui est vrai pour une province/un territoire peut ne pas l'être pour un autre, même si la plupart ont accès à des médias couvrant toutes les juridictions. La consommation publique des mises à jour médiatiques COVID au Canada aujourd'hui, c'est comme suivre les scores de la LNH sans uniformes d'équipe. Pendant ce temps, les domaines dans lesquels le gouvernement fédéral a affirmé sa compétence se sont limités aux frontières internationales et à la reprise économique; ainsi que la gestion d'une application nationale de recherche de contacts (Alerte COVID). Que la gestion des urgences de cette pandémie soit décentralisée était inévitable ; que la coordination FPT a été rare ne l'est pas.
En tant que systèmes d'exploitation, en tant qu'institutions, les trois branches de l'État au Canada n'ont pas été conçues pour une pandémie mondiale. Il demeure particulièrement préoccupant que les règlements et les décrets FPT ne soient pas mis à la disposition du public de manière centralisée, rapide et accessible dans la plupart des juridictions. Les branches exécutives FPT n'alertent pas non plus le public lorsque quelque chose dit à la tribune est déjà la loi (autorisé par les jambes ou les règlements), ou équivaut à un conseil ou à un plaidoyer. La disponibilité extrêmement limitée des cours et tribunaux pour examiner les ordonnances et les actions de l'exécutif dans certaines juridictions est encore plus préoccupante. Pendant plusieurs mois, trop de tribunaux de juridictions ont été purement et simplement fermés. Sans accès au contrôle judiciaire, les citoyens (et les ONG) ne peuvent pas se prévaloir de leurs protections constitutionnelles, bien sûr.
Au sein des exécutifs FPT, la capacité des procureurs généraux de maintenir les gouvernements dans leurs limites constitutionnelles était inégale, fragile et inégale au début, lorsque les gouvernements FPT ont commencé leur gestion d'urgence de la COVID19. L'ordonnance de santé publique initiale d'une juridiction a été signée par un responsable de la santé publique, mais elle n'avait manifestement pas été examinée par un avocat, et encore moins par une personne d'un ministère de la Justice. Rarement, voire jamais, le public a entendu les responsables de la justice au sujet des règles qui se déroulent rapidement et de leurs variations. La diminution de la fonction quasi judiciaire de ces ministères, au sein de chaque juridiction FPT, est une grave lacune de notre système constitutionnel à l'heure actuelle. Les ministères de la Justice ne sont pas tant devenus partisans ou politiques, qu'impotents et marginalisés. Ils ont tendance à envoyer des questions constitutionnelles aux ministères de tutelle, plutôt que de faire leur travail de surintendants de l'état de droit au sein de leurs gouvernements.
Une solution à ce dernier pourrait être trouvée dans le redéploiement des responsables de la justice vers les ministères particulièrement engagés dans des politiques et des lois limitant la liberté et les libertés des personnes pendant la pandémie. Un autre correctif peut être trouvé en abordant cette question directement avec votre premier ministre, en veillant à ce qu'une voix du ministère de la Justice soit présente lorsque des réunions plénières du Cabinet ne sont pas possibles. Enfin, les ministres de la Justice eux-mêmes devraient dépenser leur capital politique en ce moment pour tirer le meilleur parti possible de la stratégie de santé publique en cours de modification massive du comportement des résidents canadiens. L'importance de cette voix en ce moment n'a jamais été aussi pressante dans notre histoire, du moins depuis le rapatriement.
À propos de l’association canadienne sur les libertés civiles
L’ACLC est un organisme indépendant à but non lucratif qui compte des sympathisant.e.s dans tout le pays. Fondé en 1964, c’est un organisme qui œuvre à l’échelle du Canada à la protection des droits et des libertés civiles de toute sa population.
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