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25 mai 2020

Hon. Jeannie Ehaloak
ministère de la Justice
Gouvernement du Nunavut
Case postale 1000 Poste 200
Iqualuit, Nunavut X0A 0H0

PAR EMAIL

Re : Droits de mobilité et voyage au Nunavut

Cher Ministre,

Nous vous écrivons au sujet de l'Ordonnance de restriction des déplacements de l'administrateur en chef de la santé publique #3, datée du 26 avril 2020. Comme vous le savez, cette ordonnance a pour effet d'interdire les déplacements au Nunavut aux non-résidents, sous réserve de certaines exceptions. Le décret met également en place des exigences strictes pour les résidents qui retournent au Nunavut – exigeant l'auto-isolement pendant une période minimale de quatorze jours à un endroit désigné par l'administrateur en chef de la santé publique à l'extérieur du territoire. À notre avis, l'ordonnance est contraire à l'article 6 de la Charte canadienne des droits et libertés et peut également être hors de la juridiction du territoire. En tant que surintendant de la primauté du droit sur le territoire, vous aurez revu cette ordonnance pour en déterminer les risques constitutionnels. Nous encourageons un deuxième regard sur cet Ordre, à la lumière de ce qui suit.

En ce qui concerne les droits de mobilité, conformément à l'article 6(2) de la Charte, les particuliers peuvent élire domicile dans n'importe quelle province et ont le droit de gagner leur vie dans n'importe quelle province. Conformément à l'art. 30 du Charte, ce droit s'applique également au Yukon et aux Territoires du Nord-Ouest, et une interprétation téléologique indiquerait qu'il est également applicable au Nunavut. Les droits de mobilité des Canadiens sont sacro-saints; pas même la clause nonobstant de la Loi constitutionnelle de 1982 peuvent écarter leur candidature. Les seules dérogations à l'article 6 autorisées sont celles qui peuvent être justifiées en vertu de l'article 1 de la Charte, à savoir ceux qui sont à la fois raisonnables et manifestement justifiés. À notre avis, la restriction actuelle du territoire sur les déplacements n'est ni l'un ni l'autre.

Nous avons également des inquiétudes quant à savoir si votre commande est ultra vires. Permettre à une province ou à un territoire de dicter les droits de mobilité ne semble pas compatible avec le partage des pouvoirs dans le Loi constitutionnelle de 1867. De plus, l'exigence du Décret voulant que les résidents s'isolent à l'extérieur du territoire pourrait bien empiéter sur le pouvoir de quarantaine du gouvernement fédéral en vertu de l'art. 91(11).

L'arrêté actuel prétend exiger une période d'auto-isolement obligatoire pour les résidents entrant sur le territoire. On ne sait pas pourquoi ce type de restriction est insuffisant pour répondre aux préoccupations associées à l'entrée de non-résidents sur le territoire. La superposition de ces restrictions dément leur suffisance constitutionnelle. S'il existe des preuves que l'une est justifiée, il s'ensuit que l'autre est disproportionnée. De plus, le Nunavut a la chance de n'avoir aucun cas confirmé de COVID-19. Bien que nous apprécions le risque que pose le virus, les circonstances actuelles du territoire ne peuvent tout simplement pas justifier des restrictions de voyage aussi strictes.

Nous ne suggérons pas qu'il existe une solution unique pour la gestion des urgences au Canada. Il va sans dire que les territoires sont confrontés à des circonstances et des défis uniques et votre approche doit être adaptée en conséquence. Chaque province et territoire a adopté une approche de gestion des urgences qui correspond à la santé publique particulière et aux circonstances particulières de la région. Mais tous doivent le faire dans les limites de la Constitution.

L'ACLC est une ONG indépendante à but non lucratif, qui s'oppose au pouvoir et défend la liberté au Canada depuis 1964.   Nous avons comparu devant les tribunaux à travers le Canada des centaines de fois et avons entamé des poursuites contre des gouvernements pendant COVID-19 dans d'autres juridictions. Nous vous serions reconnaissants d'avoir l'opportunité de discuter de tout cela avec vous-même ou vos fonctionnaires, et nous serions reconnaissants de votre attention sur cette question importante.

Votre sincèrement,

Michael Bryant
Directeur exécutif

Cara Zwibel
Directrice du programme Libertés fondamentales

À propos de l’association canadienne sur les libertés civiles

L’ACLC est un organisme indépendant à but non lucratif qui compte des sympathisant.e.s dans tout le pays. Fondé en 1964, c’est un organisme qui œuvre à l’échelle du Canada à la protection des droits et des libertés civiles de toute sa population.

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