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26 mars 2020

Son Excellence la très honorable Julie Payette
Gouverneur général du Canada
Rideau-Hall
1, promenade Sussex
Ottawa (Ontario) K1A 0A1

L'honorable David Lametti
Ministre de la Justice et procureur général du Canada
Chambre des communes
Ottawa, ON K1A 0A6

Cher gouverneur et procureur général,

J'écris au sujet de l'échec du Canada à divulguer ses décrets du gouverneur en conseil concernant COVID19 ces dernières semaines. Les implications constitutionnelles sont urgentes. Ni les citoyens ni les organismes de surveillance de la société civile comme l'Association canadienne des libertés civiles ni le cinquième pouvoir, et encore moins les autres gouvernements canadiens, ne peuvent évaluer adéquatement les déclarations publiques des ministres fédéraux de la Couronne au sujet des « ordonnances » fédérales sans divulgation de ces ordonnances. La primauté du droit exige que la loi soit transparente.

L'omission de divulguer les arrêtés fédéraux avant leur entrée en vigueur, ou du moins au moment où un ministre rend public que l'arrêté a été pris, équivaut au secret administratif. Un communiqué de presse contenant l'interprétation ou l'explication de l'arrêté par le ministre ne suffira pas. Je n'accuse pas le pouvoir exécutif de supprimer intentionnellement la publication de ces ordonnances. Mais le délai de plusieurs jours entre la signature du décret par le Cabinet et sa publication sur le site Web du décret n'est pas tenable.

Au moment où j'écris, 24 heures se sont écoulées depuis que le gouvernement a annoncé ses ordonnances de quarantaine obligatoire sans précédent, conformément à une ordonnance du Cabinet que personne d'autre que vous ne peut voir. Pourtant, cela nous impacte tous. Les lois fédérales sur la quarantaine soumettent les Canadiens à une assignation à résidence, sans audience. Un ordre aussi sérieux mérite une transparence sérieuse.

Si quelqu'un cherchait à obtenir un contrôle judiciaire de l'ordonnance ou à déposer une demande d'habeas corpus, il faudrait actuellement attendre plusieurs jours avant de pouvoir simplement la lire. Si le gouvernement peut prendre le temps de préparer un plan de communication, il peut prendre le temps de publier l'ordonnance.

Ma propre expérience en Ontario en tant que 35e procureur général m'a laissé supposer que le retard peut être causé par la Couronne ou le souverain : à savoir, (a) retard du Conseil privé dans la publication des décrets du gouverneur en conseil (retard de la Couronne); ou (b) délai entre les décisions du Conseil exécutif et l'approbation officielle du gouverneur général, rendant les décrets du gouverneur en conseil (Délai souverain).

Bien que le gouverneur général se soit retiré à juste titre des réunions du Conseil exécutif, permettant un système de gouvernement du Cabinet au cours des 150 dernières années, je sais que les provinces ont géré leurs décrets d'une manière qui permet la publication en temps opportun de ses décrets. Le lieutenant-gouverneur ou la personne désignée est mis à disposition pour approbation officielle dans les procès-verbaux des décisions du Cabinet. Cette commande accompagne souvent tout dossier de communication mis en ligne ou diffusé dans les médias.

En l'absence d'un changement à vos processus pour répondre à cette demande, une solution pourrait être que le Conseil privé publie des décrets non officiels ou des projets de décrets en utilisant n'importe quelle nomenclature et combinaisons de mise en garde : c'est-à-dire, publier ces décrets après approbation par le Cabinet, avant le gouverneur général. En tant que tel, le pouvoir exécutif fonctionnerait de la même manière que le pouvoir législatif, dans lequel les projets de loi sont publiés en ligne pendant et après les travaux du Parlement, mais avant la sanction royale (bien que le retard d'hier dans la divulgation publique du projet de loi en question ait également été compensé par un retard inacceptable, normalement tout est prêt pour une diffusion publique après le passage de la première lecture). Je reconnais les principes constitutionnels limitant la divulgation publique des décrets avant leur examen par le Cabinet, il n'y a aucune bonne raison pour que ces décrets soient gardés secrets après avoir été approuvés par le Cabinet, mais avant la sanction formelle du Gouverneur général.

Cela est particulièrement vrai compte tenu de la situation inhabituelle dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. La Couronne prononce la loi au public par le biais de séances d'information quotidiennes, permettant toute forme d'interprétation par les ministres, sans que le public puisse vérifier cette déclaration avec la loi en question – l'ordonnance, provisoire ou autre. Les gens nous demandent à l'ACLC ce que signifie la déclaration. Tout ce que nous pouvons faire, c'est nous fier aux paroles des ministres. Nous préférerions nous en remettre à la loi.

Avant la réponse COVID, il importait généralement peu qu'un décret soit publié immédiatement. Ces ordonnances ne limitaient pas les libertés des Canadiens comme jamais auparavant. De toute évidence, le monde a changé et la primauté du droit exige que la Couronne et le Souverain s'adaptent en conséquence. Le moment serait venu pour notre système fédéral de fonctionner de manière à permettre un ajustement pragmatique de la cérémonie en faveur de la divulgation urgente des décrets du Cabinet fédéral, afin de renforcer la primauté du droit en cette période chaotique.

Votre sincèrement,

Michael Bryant
Directeur exécutif et avocat général
Association canadienne des libertés civiles

À propos de l’association canadienne sur les libertés civiles

L’ACLC est un organisme indépendant à but non lucratif qui compte des sympathisant.e.s dans tout le pays. Fondé en 1964, c’est un organisme qui œuvre à l’échelle du Canada à la protection des droits et des libertés civiles de toute sa population.

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