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Soumission orale au Comité permanent de la politique en matière de justice de l'Assemblée législative de l'Ontario (projet de loi 100, Loi de 2022 pour un Ontario ouvert aux affaires)

42e législature, 2e session
mardi 5 avril 2022

Abby Deshman
Directeur, Programme de justice pénale, Association canadienne des libertés civiles

Thomas Naciuk
Stagiaire d'intérêt public, Association canadienne des libertés civiles

Merci de m'avoir invité ici pour parler du projet de loi 100.

Je m'appelle Thomas Naciuk et je suis stagiaire en droit de l'intérêt public à l'Association canadienne des libertés civiles. Je suis accompagnée d'Abby Deshman, directrice de notre programme de justice pénale.

L'ACLC défend les droits et libertés de toutes les personnes au Canada. Cela inclut les libertés fondamentales en vertu de la Charte. Liberté d'expression. Liberté de réunion pacifique. Liberté d'association. Notre démocratie ne dépend pas seulement de ces droits et libertés les plus fondamentaux, elle est soutenue par eux. Le projet de loi 100 met ces libertés, la pierre angulaire de notre démocratie, en danger. L'ACLC croit que le projet de loi devrait être retiré ou que des amendements substantiels devraient être introduits pour le rendre conforme à notre Constitution.

La loi 100 est une sur-correction. Une réponse rapide au blocus du pont Ambassador et à l'occupation du centre-ville d'Ottawa plus tôt cette année. Il a un attrait superficiel, étant donné les ravages causés par ces incidents. Plutôt que de combler une lacune dans la loi, cependant, le projet de loi 100 reproduit les interdictions existantes en termes larges et ambigus et étend les pouvoirs de la police au-delà des limites constitutionnelles. Bien que le gouvernement puisse avoir des blocus particuliers à l'esprit, ce projet de loi risque de criminaliser un groupe beaucoup plus large, y compris les Autochtones, les Noirs et d'autres personnes racialisées qui critiquent le gouvernement, les mauvaises conditions de travail, ainsi que les riches et les puissants.

Premièrement, le projet de loi 100 ne comble pas une lacune de la loi. Il est déjà illégal d'occuper les rues de la ville ou d'obstruer un passage frontalier pendant des jours. En supposant que toute « infrastructure de transport protégée » est un bien, l'obstruction ou l'interférence avec l'utilisation légale de ce bien, par définition, est un méfait en vertu de l'article 430 de la Code criminel, indépendamment du fait qu'il « entrave également l'activité économique ordinaire » ou met en danger les autres comme l'exigerait le projet de loi 100, conformément au paragraphe 2(1). Dans les cas les plus graves, lorsqu'il existe un risque réel de violence, le droit pénal va encore plus loin et interdit les rassemblements illégaux et les émeutes, comme indiqué dans la partie II de la Code criminel. La police a des pouvoirs d'arrestation pour faire appliquer ces lois. En fin de compte, ces infractions sont soumises au pouvoir discrétionnaire de la police et du ministère public, qui doit être exercé conformément à l'intérêt public. Ce pouvoir discrétionnaire comprend déjà l'examen des types d'impacts économiques soulignés dans le projet de loi 100, ainsi que l'importance de la dissidence. La duplication de la législation existante complique inutilement la loi, la rendant moins accessible.

Deuxièmement, en fait, le projet de loi empiète sur le droit de manifester pacifiquement. En définissant les interdictions de l'article 2 du projet de loi en termes d'interférence avec «l'usage ordinaire» des infrastructures de transport protégées, il va au-delà de ce qui est nécessaire pour maintenir l'ordre public et ne tient pas compte des manifestations qui gênent ou causent des perturbations. Tenir tête au pouvoir est souvent perturbateur. Les grèves et les lignes de piquetage, par exemple, sont conçues pour faire pression sur les employeurs par le biais d'une action collective. Il y a une raison pour laquelle les rassemblements utilisent des mégaphones pour effectuer des changements, pas par courtoisie. Les riches et les puissants, y compris le gouvernement, n'écouteraient autrement jamais certaines voix. Pour la même raison, les défenseurs des terres autochtones se sont livrés à des barrages ferroviaires près du territoire mohawk de Tyendinaga entre Toronto et Montréal en 2020, les militants du climat ont causé des retards à l'aéroport Pearson de Toronto à l'automne et les manifestations de George Floyd se sont propagées à travers le monde. Parfois, demander le changement poliment, avec le sourire, est précisément le genre de pensée qui contribue aux conditions en question.

Dans le même ordre d'idées, les exceptions pour les obstructions mineures ou « facilement évitables » au paragraphe 2(3) introduisent un élément d'incertitude dans la loi. La norme de « facilité » est très subjective. Si une manifestation peut être évitée avec un détour de dix minutes, est-elle « facilement évitable » ? En voiture? À pied? En fauteuil roulant dans la neige ? Dans une communauté éloignée ou autochtone, où il peut n'y avoir qu'une seule route, un obstacle peut ne jamais être « facilement évitable ». Pourtant, le droit de manifester ne se limite pas aux pelouses de Queen's Park et de la colline du Parlement. L'expression démocratique est également protégée dans les communautés rurales. Pour toutes ces raisons, l'ACLC croit que le projet de loi 100 porte atteinte aux libertés fondamentales et aux droits à l'égalité.

Enfin, l'ACLC croit que les pouvoirs de la police ne doivent pas être élargis à la légère, ce qui est d'autant plus difficile à justifier ici que la police n'a pas épuisé les outils déjà à sa disposition. Le projet de loi donnerait à la police le pouvoir de saisir des objets et des véhicules et de suspendre les permis de conduire. L'ACLC est particulièrement préoccupée par les pouvoirs de suspension routière proposés en vertu de l'article 7 du projet de loi. Contrairement aux dispositions de la Code de la route pour avoir échoué à un alcootest, le projet de loi 100 ne s'appuie sur aucune mesure empirique, mais sur la norme beaucoup plus souple des «motifs raisonnables de croire», telle qu'évaluée par un seul policier. Ces pouvoirs soulèvent d'importantes questions quant à la constitutionnalité du projet de loi en vertu des articles 2, 7, 8 et 9 de la Charte.

Au nom de l'ACLC, j'exhorte ce comité à considérer la situation dans son ensemble. Les droits sont des relations sociales qui permettent ou limitent l'action des personnes les unes par rapport aux autres. L'ACLC reconnaît que les droits de manifester ont des limites. Dans une société libre et démocratique, il doit y avoir de la place pour contester l'autorité, y compris par la perturbation, sans accorder la permission de créer un pandémonium et un chaos généralisés. Le projet de loi 100 s'écarte de cet équilibre démocratique, limitant les droits de manifestation dans un large éventail d'endroits jusqu'à leur extinction. Le projet de loi devrait être retiré ou d'importants amendements apportés pour garantir sa constitutionnalité.

Ceci conclut mes observations. Merci pour votre temps.

Auteur invité : Tom Naciuk

À propos de l’association canadienne sur les libertés civiles

L’ACLC est un organisme indépendant à but non lucratif qui compte des sympathisant.e.s dans tout le pays. Fondé en 1964, c’est un organisme qui œuvre à l’échelle du Canada à la protection des droits et des libertés civiles de toute sa population.

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