Ottawa, le 9 octobre 2025 — La BC Civil Liberties Association, l’Association canadienne des libertés civiles et la Ligue des droits et libertés ont publié conjointement la déclaration suivante en réponse à l'intention de l'Alberta d'utiliser la clause dérogatoire pour adopter trois lois anti-trans :
Nous soussignées, la BC Civil Liberties Association, l’Association canadienne des libertés civiles, et la Ligue des droits et libertés du Québec représentons les principaux organismes de défense des libertés civiles du pays. Nous sommes unis par notre profonde inquiétude à l’égard du projet annoncé par le gouvernement de l’Alberta d’invoquer la disposition de dérogation pour tenter de soustraire trois lois à l’examen judiciaire.
Nos organismes sont profondément engagés dans la défense de l’imputabilité démocratique et de la protection contre les abus de pouvoir du gouvernement. L’une et l’autre sont affaiblies par le recours à la disposition de dérogation envisagé par l’Alberta. Les lois en question s’attaquent directement aux droits des personnes albertaines transgenres et de diverses identités de genre, y compris les jeunes. En essayant de soustraire ces lois à l’examen judiciaire, le gouvernement ferme délibérément les portes du palais de justice aux personnes parmi les plus vulnérables de notre société. Cela crée un dangereux précédent qui menace les droits de toute la population canadienne.
La Cour suprême du Canada a déclaré que les personnes transgenres et de diverses identités de genre sont extrêmement vulnérables à la discrimination. Leur refuser l’accès aux tribunaux pour remettre en question la constitutionnalité de lois qui les ciblent expressément ancrerait la stigmatisation, perpétuerait les inégalités et leur refuserait la protection égale de la loi à laquelle ces personnes ont droit. Ces préjudices ne sont pas purement hypothétiques. Ces lois menacent la sécurité, la dignité, la santé et le bien-être de personnes déjà confrontées à des obstacles systémiques dans tous les aspects de la vie publique.
Le projet de l’Alberta illustre une tendance nationale profondément troublante : la normalisation croissante du recours à la disposition de dérogation par les gouvernements pour éviter de rendre des comptes, priver les personnes marginalisées des protections de la Charte et contourner les obligations constitutionnelles, ce qui porte atteinte au principe de la primauté du droit. Cette disposition n’a jamais été conçue dans le but d’être utilisée de manière systématique ou préventive. Elle a été conçue comme une mesure exceptionnelle, à n’employer que dans des cas extrêmement rares. Son usage intempestif pour soustraire des lois discriminatoires à un examen minutieux sape les fondements de notre démocratie constitutionnelle.
Nous constatons déjà ailleurs au Canada les risques de la tendance croissante à recourir à la disposition de dérogation. Au Québec, la disposition a été utilisée à maintes reprises pour outrepasser les droits fondamentaux des minorités religieuses et linguistiques — dans le projet de loi 21 adopté en 2019 (interdisant à certains employés de l’État de porter des symboles religieux), le projet de loi 96 adopté en 2022 (limitant l’accès aux services en anglais) et le projet de loi 94 déposé en 2025 (restreignant l’accès aux services publics pour les personnes ayant le visage couvert et généralisant l’interdiction de porter des symboles religieux à tout le personnel scolaire).
Dans d’autres provinces, comme l’Ontario et la Saskatchewan, les gouvernements ont tenté d’utiliser cette disposition pour supprimer les droits du travail, limiter l’expression politique et restreindre les droits des jeunes personnes transgenres.
Les personnes albertaines transgenres et de diverses identités de genre subiront les répercussions les plus immédiates et désastreuses de ces lois, mais ce combat n’est pas seulement le leur. Un gouvernement qui revendique le droit de mettre de côté l’examen judiciaire pour certains groupes s’arroge le droit d’en faire de même pour n’importe quel groupe. La liberté d’expression, la liberté de religion, l’égalité devant la loi, et le droit à la vie et à la liberté sont des droits protégés par la Constitution et les pierres angulaires de la démocratie canadienne. Ils n’ont jamais été destinés à être facultatifs ni appliqués de manière sélective quand cela est politiquement avantageux. Si ces droits et libertés peuvent être suspendus à volonté, les libertés de personne ne sont garanties.
Nous demandons au premier ministre et au gouvernement de l'Alberta de.. :
1. Abroger le Loi modifiant la loi sur la santé, 2024, le Loi modifiant la loi sur l'éducation, 2024, et le Équité et sécurité dans le sport Act ;
2. S'abstenir d'invoquer la clause dérogatoire pour tenter de soustraire ces lois au contrôle judiciaire ;
3. Respecter les Charte des droits et libertés et permettre aux tribunaux de remplir leur rôle constitutionnel, comme l'exige une société libre et démocratique.
Le respect des droits de la personne et des libertés civiles n’est pas une valeur partisane. Il s’agit du fondement de la démocratie canadienne. Nous nous unissons pour exiger que le gouvernement de l’Alberta respecte, au lieu de compromettre, ces valeurs.
Signé par :
BC Civil Liberties Association
Association canadienne des libertés civiles
Ligue des droits et libertés
À propos de l’association canadienne sur les libertés civiles
L’ACLC est un organisme indépendant à but non lucratif qui compte des sympathisant.e.s dans tout le pays. Fondé en 1964, c’est un organisme qui œuvre à l’échelle du Canada à la protection des droits et des libertés civiles de toute sa population.
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