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Ottawa, le 25 novembre 2022 — Cara Zwibel, la directrice des libertés fondamentales de l’Association canadienne des libertés civiles (ACLC), a fait les remarques suivantes :

En février dernier, pour la première fois, le gouvernement du Canada a déclaré l’état d’urgence et mis en place des mesures d’urgence qui ont restreint les droits et les libertés de toute la population canadienne. Ces mesures ont imposé de vastes restrictions à la liberté de réunion et de manifestation des Canadiennes et des Canadiens. Elles ont permis au gouvernement d’exiger la fourniture de certains services et le gel de biens personnels, sans préavis et sans respecter la procédure établie. Ces ordonnances ont conféré des pouvoirs extraordinaires aux forces de l’ordre et aux institutions financières. L’intention du gouvernement était peut-être que ces pouvoirs soient utilisés de manière ciblée, mais tels qu’ils ont été rédigés, ils ont donné aux forces de l’ordre de tout le pays des mesures dont l’application potentielle allait bien au-delà des blocus et aurait pu mener facilement à des abus.

J’ai trois arguments à vous soumettre :

Premièrement : la Loi sur les mesures d’urgence ne permet pas de suspendre les droits conférés par la Charte, mais en l’absence d’état d’urgence, les mesures qui ont été adoptées seraient très certainement contraires à la Charte. En l’absence de circonstances équivalant à un état d’urgence, elles constitueraient des restrictions graves aux droits et libertés fondamentaux qui ne sont ni raisonnables ni justifiées dans une société libre et démocratique. La question de savoir s’il y avait un état d’urgence nationale qui justifiait ces mesures est donc cruciale. L’Association canadienne des libertés civiles allègue respectueusement que cette question est importante non seulement pour ce qu’elle révèle au sujet des événements de janvier et février dernier, mais aussi pour le signal qu’elle envoie aux gouvernements futurs en ce qui concerne les cas où des pouvoirs extraordinaires peuvent être utilisés et où le processus parlementaire peut être contourné pour leur permettre de gouverner par décret.

Deuxièmement, le gouvernement du Canada a présenté une série de justifications pour sa décision d’invoquer la Loi. Sa principale justification – formulée lorsque la Loi a été invoquée pour la première fois – est présentée dans son rapport présenté au Parlement en vertu de l’article 58. Bien que la justification ait évolué au fil du temps, ses éléments fondamentaux sont relativement simples et demeurent pour la plupart intacts. La justification est très fortement axée sur la perturbation et le tort économiques. Elle cite aussi des préoccupations quant à la possibilité de violences graves, soit en raison de la présence de certains extrémistes violents parmi des manifestants par ailleurs non violents, soit parce que les manifestations pourraient servir de couverture à une attaque de type loup solitaire ou permettre aux auteurs de menaces de recruter des adeptes, soit encore parce que l’on craint que des violences n’éclatent lors d’affrontements avec des contre-manifestants. Outre les préoccupations d’ordre économique, les preuves sur lesquelles le gouvernement s’appuie pour étayer ces affirmations sont extrêmement minces. Les services de police et de renseignement dont l’expertise devrait contribuer à éclairer les décisions du gouvernement n’ont pas estimé que les manifestations donnaient lieu à une menace sérieuse de violence. L’élément le plus dangereux dont nous avons entendu parler – la cellule de Coutts avec une cache d’armes – a fait l’objet d’une enquête et a été arrêté par les forces de l’ordre avant l’entrée en vigueur des ordonnances d’urgence, sans recours à des pouvoirs extraordinaires et sans déclencher de réaction de violence en chaîne parmi les manifestants.

La Loi sur les mesures d’urgence a été soigneusement élaborée de manière à éviter les excès de la Loi sur les mesures de guerre qui l’a précédée. Le Parlement a intentionnellement déclaré l’état d’urgence en le liant exclusivement et exhaustivement à la définition des menaces envers la sécurité du Canada énoncée dans la Loi sur le SCRS. Cette définition n’inclut pas les torts ou les perturbations économiques, et ne devrait pas le faire. Elle requiert des activités qui visent à favoriser l’usage de la violence grave ou de menaces de violence contre des personnes ou des biens dans le but d’atteindre un objectif politique, religieux ou idéologique. Le seuil légal pour avoir recours à la Loi n’a pas été atteint, et un avis juridique créatif et secret du gouvernement qui affirme le contraire n’y change rien. Le premier ministre a convenu que le seuil n’est pas inférieur à la norme établie dans la Loi sur le SCRS. Le gouvernement a outrepassé les limites de la Loi en prenant les mesures qu’il a prises.

Enfin, il ne fait aucun doute que les blocus et les manifestations ont causé de graves préjudices aux personnes vivant dans les communautés où ils ont eu lieu, qu’ils ont entraîné d’importantes perturbations économiques et que les forces de l’ordre n’étaient pas bien préparées à y faire face. Le gouvernement avait de la difficulté à obtenir des renseignements des forces de l’ordre au sujet de leurs intentions et hésitait à franchir une ligne floue qui risquait de compromettre l’indépendance opérationnelle de la police. Mais le gouvernement ressentait également une forte pression de faire quelque chose pour remédier à la situation et être perçu comme faisant quelque chose. Au lieu d’établir des voies de communication claires et adéquates, de tenir de franches discussions et de donner des instructions écrites à la police sur les priorités stratégiques, le gouvernement a donné aux forces de l’ordre le coup de pouce le plus gros – et le plus public – possible. Il a invoqué la Loi sur les mesures d’urgence et a donné aux forces de l’ordre des instruments nouveaux, très étendus et inutiles et un mandat politique clair pour les utiliser.

L’un des principes fondamentaux de l’ACLC est la conviction que si un seul individu n’est pas libre, personne n’est libre. Nous demandons instamment à la Commission de garder ce principe en tête alors qu’elle se penche sur les agissements du gouvernement actuel et les agissements éventuels de futurs gouvernements.

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À propos de l’association canadienne sur les libertés civiles
L’ACLC est un organisme indépendant à but non lucratif qui compte des partisans dans tout le pays. Fondée en 1964, c’est une association de défense des droits de la personne qui opère à l’échelle du Canada pour défendre les droits, la dignité, la sécurité et les libertés de toute la population.

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