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À la suite de la diffusion en direct des massacres de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, le Canada s'est joint à de nombreux autres pays pour répondre à « l'appel de Christchurch » et s'engager à éliminer le contenu extrémiste violent et terroriste en ligne. Mais que signifie la « Charte numérique » proposée pour les Canadiens et nos libertés civiles ? À l'heure actuelle, la Charte semble être entièrement ambitieuse : nous avons une liste de principes que le gouvernement a annoncés, mais nous n'avons aucune idée de si, comment et quand ces principes seront intégrés dans la loi, la politique ou la pratique.

Des 10 principes de la Charte, au moins un – s'il est mis en œuvre dans une loi exécutoire – aura un impact direct et significatif sur le contenu que les Canadiens peuvent créer, diffuser et accéder en ligne. Autrement dit, un impact très réel sur notre liberté d'expression qui, il faut le rappeler, est protégée dans notre Charte canadienne des droits et libertés. Il s'agit d'une charte réelle – et non ambitieuse – avec toute la force de la Constitution, la loi suprême du Canada. Le gouvernement a déclaré : « Les Canadiens peuvent s'attendre à ce que les plateformes numériques ne favorisent ni ne diffusent de la haine, de l'extrémisme violent ou du contenu criminel. En soi, un principe qui définit une « attente » pour ce que les plateformes privées feront a peu de poids, mais l'un des autres principes promet des « sanctions claires et significatives » pour les violations de la loi et des règlements pour soutenir les principes.

Ce principe m'inquiète. Comment faire face à la haine et à l'extrémisme sans capturer l'impopulaire ou l'offensant ? Ne vous méprenez pas : je ne passe pas de temps sur des sites néo-nazis et ne recherche pas d'actes de violence graphique sur les plateformes de streaming vidéo. Je n'aime pas ce genre de contenu et je l'évite activement. Mais je m'inquiète des règles générales qui « proscrivent » certains types de contenus et de ce que cela signifie pour une démocratie où la liberté d'expression est censée être une liberté fondamentale. La régulation de l'expression est notoirement délicate. Le volume considérable de contenu en ligne et le caractère fondamentalement mondial d'Internet ne font qu'ajouter aux défis.

J'ai besoin d'en savoir plus sur le type d'« extrémisme violent » dont les Canadiens peuvent s'attendre à être protégés. Il est épouvantable que le massacre de Christchurch ait été diffusé en direct à l'aide d'une plate-forme de médias sociaux, mais existe-t-il un moyen de résoudre ce problème sans censurer également d'autres contenus qui pourraient avoir une valeur sociale importante ? Pensez aux minorités réprimées qui subissent des violences de la part de l'État. La diffusion en direct de ces actes de violence pourrait attirer l'attention du monde sur un problème important. Considérez également l'impact des vidéos diffusées en direct qui ont capturé des actes horribles de brutalité policière. La vidéo peut être un moyen important de demander des comptes aux puissants. Le gouvernement décide-t-il qui peut diffuser du contenu en direct ? Facebook? Devrions-nous laisser un algorithme déterminer à qui faire confiance pour diffuser ?

Que veut dire le gouvernement lorsqu'il parle de « favoriser ou disséminer la haine ». La définition légale du « discours de haine » est assez étroite, et pour cause. Mais lorsque la plupart des gens utilisent le terme, ce n'est pas cette définition étroite qu'ils ont en tête ou qu'ils s'attendent à voir appliquer. L'interdiction du discours haineux dans le Code criminel (art. 319) a été jugée constitutionnelle par la Cour suprême parce qu'elle est censée ne saisir que le type de contenu le plus extrême. Même ainsi, la définition juridique est ouverte à diverses interprétations, et les tribunaux et les juges sont souvent en désaccord sur la question de savoir si un élément de contenu donné dépasse la limite. Quand la critique acerbe d'Israël devient-elle de l'antisémitisme ? Quand des déclarations fortes de croyances religieuses sur la définition « correcte » du mariage deviennent-elles de la propagande haineuse ciblant la communauté LGBTQ ? La Charte numérique va-t-elle confier ces décisions aux plateformes privées ? Si oui, ces plateformes seront-elles punies si, aux yeux du gouvernement, elles font le mauvais choix ? Si la réponse est oui, ils privilégieront certainement la censure plutôt que la liberté d'expression. Et si la diffusion est relativement claire, que signifie « favoriser » la haine ? Les plateformes devront-elles interférer dans la formation des réseaux en ligne pour s'assurer que les fanatiques partageant les mêmes idées ne peuvent pas se trouver ? Si le but des médias sociaux est d'aider à connecter les gens, disons-nous maintenant que certaines personnes ont vraiment besoin d'être isolées ? Notre liberté d'association protégée par la Constitution est protégée par la même Constitution qui garantit la liberté d'expression.

Enfin, la référence du principe au « contenu criminel » est-elle une catégorie distincte, ou la haine et l'extrémisme violent sont-ils des sous-catégories de ce thème plus large ? Les plateformes sont-elles chargées de décider si le contenu est criminel ou seront-elles uniquement censées supprimer quelque chose qui a déjà fait l'objet d'une condamnation pénale ? La censure de l'État est dangereuse car nous ne savons jamais quand nos points de vue, opinions ou contenus peuvent être jugés trop offensants ou nuisibles (ou simplement du mauvais côté de l'échiquier politique) pour être diffusés publiquement. L'externalisation de la censure à une personne morale responsable uniquement devant ses actionnaires est au moins aussi dangereuse.

Avec une élection à venir dans quelques mois, la charte numérique ambitieuse peut faire des points de discussion avec peu de substance. Néanmoins, il est bon de mettre cette question à l'ordre du jour. Cela vaut la peine de réfléchir sérieusement à la manière de concilier un engagement fort en faveur de la liberté d'expression avec un engagement ou un désir de lutter contre l'extrémisme en ligne. Et, lorsque nous choisirons notre prochain élu, nous devrions au moins comprendre ce qu'ils pensent de la liberté d'expression et ce qu'ils entendent faire pour protéger et promouvoir ce droit sur la place publique numérique.

À propos de l’association canadienne sur les libertés civiles

L’ACLC est un organisme indépendant à but non lucratif qui compte des sympathisant.e.s dans tout le pays. Fondé en 1964, c’est un organisme qui œuvre à l’échelle du Canada à la protection des droits et des libertés civiles de toute sa population.

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