Projet de loi 1 : suppression des libertés constitutionnelles au nom des droits commerciaux et de propriété
En ce moment, alors que certains des Canadiens les plus marginalisés ont exercé leur droit à la liberté d'expression et de réunion pacifique pour donner la parole à ceux qui souffrent des injustices systémiques, de tels appels devraient-ils être réduits au silence au nom des intérêts de propriété ? Les Canadiens ont-ils besoin d'une autre main pour se museler la bouche, surtout en ce moment, alors que leur capacité de se déplacer et de s'organiser librement est menacée quotidiennement?
Eh bien, l'Alberta le pense certainement.
L'adoption récente du projet de loi 1 par le gouvernement de l'Alberta est un développement troublant pour toutes les personnes qui cherchent à protéger les libertés civiles, en particulier le droit à la liberté d'expression et de réunion pacifique. En effet, il ne s'agit pas seulement de protester, il s'agit de la capacité de toutes les personnes, en particulier celles des communautés marginalisées, à faire entendre leur voix par le gouvernement et les entreprises.
Pour vraiment comprendre le projet de loi 1, nous devons nous rappeler qu'il est né d'une réaction instinctive aux manifestations des Wet'suwet'en plus tôt cette année. Que vous soyez d'accord ou non avec la méthode utilisée par les manifestants, il ne fait aucun doute que le message sous-jacent à leurs manifestations avait une signification politique, car ils recherchaient une participation délibérée à la prise de décision sociale et politique. Ces valeurs ont été reconnues par la Cour suprême du Canada comme étant au cœur même de la liberté d'expression.
Le projet de loi 1 cherche à punir les individus et les groupes qui « entrent volontairement dans toute infrastructure essentielle », qui peut inclure n'importe quoi, d'une ferme à une route. La sanction pour une telle activité peut aller d'une lourde amende pouvant aller jusqu'à $200 000 à 6 mois d'emprisonnement. Une personne peut enfreindre la loi sans même le savoir, car entrer dans une propriété non marquée est une infraction. Un tel développement est un changement important par rapport aux lois traditionnelles sur les intrusions qui nécessitent un certain type d'avis écrit ou verbal. De plus, l'existence de lois qui traitent déjà de ce que certains pourraient considérer comme des « manifestations illégales » rend le projet de loi 1 inutile, excessif et autoritaire.
Le large pouvoir discrétionnaire sur ce qui peut être qualifié d'« infrastructure essentielle » offre au gouvernement et aux entreprises un pouvoir considérable pour écraser le droit d'un individu ou d'un groupe de s'organiser et de manifester pacifiquement. Pourtant, nous sommes rassurés que tout cela est fait au nom de la protection de la propriété et de l'économie.
Dans ce contexte, il est fondamental de rappeler que l'expression, la réunion pacifique, l'association et la liberté sont autant de droits et libertés garantis par la Charte canadienne des droits et libertés. Cependant, les droits de propriété et les droits commerciaux sont notoirement absents de ce document. Bien que cela puisse surprendre certains, il n'existe pas de droit de propriété indépendant et constitutionnel. Pourtant, selon l'estimation du gouvernement de l'Alberta, ces « droits » non constitutionnels sont si primordiaux que les libertés fondamentales essentielles à la dignité humaine et à l'estime de soi doivent s'incliner devant eux. À ce titre, l'ACLC s'oppose au projet de loi 1 de l'Alberta en tant que violation injustifiée des libertés fondamentales des Canadiens.
Le droit d'un individu à une expression pleine et ouverte a été reconnu comme étant d'une importance cruciale dans une société libre et démocratique par la Cour suprême du Canada. Il en va de même de la liberté de s'associer et de se réunir pacifiquement. Le projet de loi 1 cherche à pénaliser les individus et les groupes pour avoir simplement participé à une manifestation pacifique, même si cela n'a aucun impact sur le fonctionnement de « l'infrastructure essentielle ». Une violation aussi manifeste et grave des droits constitutionnels fondamentaux des Canadiens est répréhensible. Ainsi, il n'est pas surprenant que l'Alberta Union of Provincial Employees ait récemment lancé une contestation constitutionnelle du projet de loi au motif qu'il attaque leur liberté de participer à des manifestations pacifiques.
Alors, ne vous y trompez pas, même si votre voix peut être entendue librement dans les rues sans conséquence, faites un peu trop de bruit - ou faites-le au « mauvais » endroit - et vous pourriez vous retrouver avec des dommages collatéraux au nom de intérêts de propriété.
Pour une discussion plus approfondie et une analyse juridique sur le projet de loi 1 de l'Alberta, veuillez visiter : https://ablawg.ca/2020/06/09/protests-matter-a-charter-critique-of-albertas-bill-1/us.
Samuel Mazzuca, étudiant bénévole en droit de l'ACLC
À propos de l’association canadienne sur les libertés civiles
L’ACLC est un organisme indépendant à but non lucratif qui compte des sympathisant.e.s dans tout le pays. Fondé en 1964, c’est un organisme qui œuvre à l’échelle du Canada à la protection des droits et des libertés civiles de toute sa population.
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