73% de Canadiens sont préoccupés ou quelque peu préoccupés par la façon dont les partis politiques utilisent les renseignements personnels selon un sondage Nanos publié aujourd'hui par le Globe and Mail.
Alors pourquoi les partis politiques ne sont-ils pas couverts par la loi sur la protection de la vie privée au Canada?
Ce n'est certainement pas parce que les parties ne collectent ni n'utilisent de données personnelles. Chaque parti dispose d'une base de données des électeurs pour garder une trace des partisans, des donateurs, des résultats des frappes aux portes, en d'autres termes, les informations nécessaires pour mener des campagnes. Certaines parties donnent des applications à leurs solliciteurs pour leur permettre de saisir des données à la volée. Chaque partie s'appuie sur l'analyse des données pour aider à la stratégie. Et presque inévitablement, chaque partie partage des informations avec des fournisseurs de services tiers engagés pour faire des choses comme traiter les dons ou organiser des sondages.
Ce n'est pas non plus parce qu'il existe un désaccord généralisé sur la question de savoir si les informations sur nos opinions politiques sont sensibles ou non et méritent d'être protégées. Les convictions politiques sont un motif interdit de discrimination en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne et d'autres actes de ce genre au niveau international. Dans l'Union européenne, le règlement général sur la protection des données, qui influence le paysage de la confidentialité dans le monde entier, inclut également explicitement les opinions politiques comme une catégorie de données « spéciale », c'est-à-dire sensible. Ce qui soulève un autre point : l'échec du Canada à inclure les partis politiques dans la loi sur la protection de la vie privée n'est pas dû au fait que personne d'autre ne le fait, car le Royaume-Uni, une grande partie de l'UE et la Nouvelle-Zélande ont tous des lois couvrant les organisations politiques.
Il est également difficile de soutenir que les partis devraient être exclus des lois sur la protection de la vie privée, car cela entraverait le processus démocratique. Nous avons l'exemple parfait en Colombie-Britannique, la seule province qui a inclus les partis politiques dans sa législation sur la protection de la vie privée depuis 2004. Les partis continuent de recueillir des informations, de mobiliser les électeurs et de mener des campagnes efficaces dans ce qui est sans doute l'une des provinces les plus excitantes sur le plan politique en le pays.
Et ce n'est absolument pas parce que les experts pensent que c'est une mauvaise idée. Au cours de sa récente étude sur les vulnérabilités à la vie privée dans le processus électoral démocratique du Canada, le Commission parlementaire sur l'accès à l'information, la protection des renseignements personnels et l'éthique écouté une longue file de témoins et conclu que les partis politiques devraient vraiment être couverts par une loi.
Tous les commissaires provinciaux à l'information et à la protection de la vie privée au Canada, ainsi que le commissaire fédéral à la protection de la vie privée, sont d'accord. Dans un résolution conjointe publiée le 17 septembre, ils ont appelé les gouvernements à adopter une législation pour régir l'utilisation des renseignements personnels par les partis politiques, pour assurer la surveillance de ces utilisations et pour permettre aux gens d'accéder à leurs propres informations détenues par les partis.
En d'autres termes, ils ont demandé que les partis politiques soient tenus de respecter les mêmes principes et règles de confidentialité que les gouvernements et les entreprises qui collectent nos informations doivent suivre.
Alors pourquoi les partis politiques ne sont-ils pas inclus dans la loi sur la protection des renseignements personnels au Canada? La réponse la plus simple semble être, parce qu'ils ne veulent pas l'être. Il n'y a tout simplement pas la volonté politique d'y parvenir, car l'effort de réforme électorale du gouvernement actuel, Projet de loi 76 rend tristement clair.
Les entreprises du secteur privé ne peuvent pas utiliser vos informations personnelles sans votre consentement. Les partis peuvent. Les gouvernements élus sont limités dans leur capacité à collecter des informations auprès de nous pour une raison et à les utiliser pour une autre. Les partis politiques ne le sont pas.
Pourquoi est-ce important? Nous vivons à une époque où nous voulons utiliser les données comme une baguette magique, quelque chose que nous pouvons pointer et – pouf – la façon d'influencer une personne ou un groupe de personnes est révélée. Évidemment, nous devrions nous demander si c'est vraiment ainsi que cela fonctionne, mais simplement la perception que cela pourrait signifier que chaque parti politique veut autant d'informations sur nous que possible. Il est clair qu'ils recherchent tous des moyens nouveaux et passionnants d'en savoir plus sur nous, de nous cibler et de prédire notre comportement, pour avoir une longueur d'avance sur leurs concurrents. Donc, c'est un problème qu'il n'y ait pas de lois régissant jusqu'où ils peuvent aller.
Pour être juste, toutes les grandes parties ont leurs propres politiques de confidentialité. Certaines politiques ne sont pas mauvaises. Mais ce sont des règles que les parties établissent et appliquent pour elles-mêmes. Tout est une question de confiance dans un climat où il y a beaucoup de motivation pour repousser les limites et où la confiance du public dans l'intégrité de nos processus politiques est fragile.
Bien qu'il n'y ait aucune raison de principe pour laquelle la loi sur la protection de la vie privée ne devrait pas s'appliquer aux partis politiques de la même manière qu'elle le fait à peu près tous les autres collecteurs de données des secteurs public et privé, une mise en œuvre équitable serait essentielle. Une telle législation ne peut pas être conçue de manière à handicaper un parti d'opposition ou à rendre la conformité disproportionnée difficile pour les partis qui disposent de moins de ressources. Tout projet de loi doit être soigneusement examiné, fondé sur des principes et équitable : aucun jeu politique ne peut être autorisé au nom de la protection de la vie privée.
C'est vraiment très simple. Les partis politiques qui demandent nos votes – et nos numéros de carte de crédit – devraient être légalement responsables du respect de nos droits à la vie privée.
À propos de l’association canadienne sur les libertés civiles
L’ACLC est un organisme indépendant à but non lucratif qui compte des sympathisant.e.s dans tout le pays. Fondé en 1964, c’est un organisme qui œuvre à l’échelle du Canada à la protection des droits et des libertés civiles de toute sa population.
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