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L'IDENTITÉ DE GENRE ET LA LOI SUR LES DROITS DE LA PERSONNE (ANCIEN PROJET DE LOI C-16)

Étant donné que la section Apprendre de TalkRights présente du contenu produit par des bénévoles de l'ACLC et des entretiens avec des experts dans leurs propres mots, les opinions exprimées ici ne représentent pas nécessairement les propres politiques ou positions de l'ACLC. 

Depuis son dépôt en 2016, le projet de loi C-16 (dont le titre officiel est Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel  et qui a reçu la sanction royale en juin 2017) a fait l'objet d'une vive controverse. Attendu que l'intention exprimée de la loi est d'ajouter « l'identité de genre et l'expression de genre à la liste des motifs de discrimination interdits » ainsi que de modifier le Code criminel pour « étendre la protection contre la propagande haineuse prévue dans cette loi à tout article de la public qui se distingue par son identité ou son expression de genre », certains ont fait valoir que la loi, en raison de son objectif louable, cache un programme susceptible de restreindre les libertés fondamentales.

Cet article donne une explication sommaire des cadres à travers lesquels la loi sera interprétée et appliquée.

LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE ET LE TRIBUNAL

Le Canada est un système fédéral. Cela signifie que les gouvernements fédéral et provinciaux sont investis de compétences respectives sur lesquelles ils peuvent promulguer des lois. À ce titre, la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP) interdit les pratiques discriminatoires commises dans les domaines de compétence fédérale. La LCDP crée et réglemente deux organes, la Commission canadienne des droits de la personne et le Tribunal canadien des droits de la personne.

La Commission a un large éventail de devoirs et de fonctions, dont le plus omniprésent est de recevoir des plaintes en matière de droits de la personne. Il peut nommer un enquêteur pour examiner les différends ainsi qu'un conseiller pour tenter de régler la plainte avant de saisir le Tribunal. Ses fonctions administratives comprennent également la rédaction de lignes directrices et de propositions stratégiques pour l'harmonisation de la loi fédérale sur les droits de la personne avec les normes provinciales en matière de droits de la personne à travers le Canada.

Le Tribunal reçoit les plaintes qui lui sont déférées par la Commission et détient tous les pouvoirs d'une cour supérieure en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867, ce qui signifie qu'il a un pouvoir et une autorité similaires pour entendre des affaires et rendre des jugements. La seule différence est sa spécialisation dans le droit fédéral des droits de la personne. Il est composé d'au plus quinze membres, dont quatre, dont le président et le vice-président, doivent être membres d'un barreau provincial depuis au moins dix ans. Les autres membres sans ces qualifications doivent avoir une expérience, une expertise et un intérêt pertinents pour les droits de l'homme.

Le Tribunal peut imposer différentes sanctions visant à remédier à des pratiques discriminatoires. Cela inclut normalement la cessation de la pratique discriminatoire si elle est en cours et la prise de mesures pour s'assurer qu'elle cesse. Le Tribunal peut imposer d'autres sanctions telles que la mise à disposition, à la première occasion raisonnable, des droits, privilèges ou opportunités refusés en raison d'un acte discriminatoire, et des dommages-intérêts compensatoires de diverses formes (une liste de recours possibles est énumérée à l'article 53( 2) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC, 1985, ch. H-6).

Pour qu'une plainte soit accueillie, elle doit être fondée sur l'un des motifs légaux de discrimination énoncés à l'art. 3(1) de la Acte. Le projet de loi C-16 ajoute l'identité et l'expression de genre à cette liste. Ceci est principalement symbolique étant donné que la discrimination contre les personnes transgenres a été interdite par la jurisprudence par les juges des tribunaux des droits de la personne au Canada qui ont interprété la discrimination contre les personnes transgenres comme relevant du motif interdit par la loi du « sexe ». Il ne faut cependant pas sous-estimer la valeur symbolique de cette loi qui renforce la jurisprudence et la protection étendue aux personnes transgenres et positionne clairement le harcèlement fondé sur le genre comme un comportement illégal dans la sphère fédérale. Ce faisant, le gouvernement fédéral a aligné ses normes en matière de droits de la personne sur celles des provinces, qui ont toutes adopté cette forme d'amendement.

Bref, c'est un ajout assez anodin à la loi. Encore une fois, comme cela a été mentionné plus tôt, les critiques se sont opposés à l'amendement, affirmant qu'il peut conduire à un « discours forcé », ce qui équivaut à une action inconstitutionnelle. Ces revendications seront abordées dans le prochain article publié dans cette section. Pour l'instant, il suffit de dire que les modifications apportées à la loi ne sont en aucun cas majeures. Ils reflètent une pratique déjà établie et de toute façon, l'empiètement du Tribunal des droits de la personne sur la liberté est minime. Il ne peut pas condamner quelqu'un à l'emprisonnement. De plus, ses décisions visent à remédier aux pratiques discriminatoires, et non à canaliser l'opprobre sociétal comme le fait une juridiction pénale. Ceci étant dit, tournons-nous vers les C-16 Code criminel amendements.

LES CODE CRIMINEL DU CANADA

Contrairement aux tribunaux des droits de la personne où les procédures sont initiées et dirigées par un plaignant privé, les poursuites pénales sont initiées et menées par le gouvernement fédéral canadien.

Le projet de loi C-16 ajoute également « l'identité et l'expression de genre » à la liste des groupes identifiables en vertu du paragraphe 318(4) de la Code criminel. Cette liste fait partie d'une subdivision de la Code appelé « Propagande haineuse », qui comprend l'apologie du génocide, l'incitation publique à la haine et la promotion délibérée de la haine. Comme cela deviendra évident, il s'agit de crimes limités qui feront rarement l'objet de poursuites.

Prôner le génocide signifie prôner ou promouvoir le meurtre de membres d'un groupe identifiable, ou le fait d'infliger délibérément au groupe des conditions de vie calculées pour entraîner sa destruction physique, à la fois avec l'intention de détruire en tout ou en partie tout groupe identifiable. L'incitation publique à la haine signifie la communication dans tout lieu public de déclarations qui incitent à la haine contre un groupe identifiable de personnes et une telle incitation est susceptible de conduire à une violation de l'ordre public. La promotion volontaire de la haine, qui est similaire mais différente, signifie simplement promouvoir volontairement la haine.

Pour qu'une incitation publique à la haine soit constatée, il doit y avoir la preuve de plusieurs éléments : (1) les déclarations doivent être communiquées en public, (2) elles doivent inciter à la haine contre un groupe identifiable, et enfin, (3) elles doivent conduire à une violation de la paix que l'auteur des déclarations avait l'intention ou prévoyait de se produire et est resté volontairement aveugle au fur et à mesure que les événements se déroulaient. Plusieurs moyens de défense existent en cas d'incitation délibérée à la haine. En vertu du paragraphe 319(3), un accusé peut prouver son innocence en démontrant (a) que les déclarations communiquées étaient vraies; b) si, de bonne foi, la personne a exprimé ou tenté d'établir par un argument une opinion sur un sujet religieux ou une opinion fondée sur une croyance en un texte religieux; (c) si les déclarations étaient pertinentes pour un sujet d'intérêt public, dont la discussion était dans l'intérêt public, et si, pour des motifs raisonnables, il les croyait vraies ; ou (d) si, de bonne foi, il avait l'intention de signaler, aux fins de renvoi, des faits produisant ou tendant à produire des sentiments de haine envers un groupe identifiable au Canada.

Pour que des accusations de génocide ou d'incitation à la haine soient portées, le consentement du procureur général du Canada est requis.

LE PROJET DE LOI C-16 PORTERA-T-IL DES FRUITS ? : LE POINT DE VUE D'UN ÉTUDIANT TRANS ET D'UN MILITANT

Dans un papier très récent publié dans le Revue de droit de l'Université de Toronto, étudiante en LL.M et militante transgenre Florence Ashley soutient que des lois telles que le projet de loi C-16, bien que symboliquement précieuses et appréciées par la communauté transgenre, n'auront en grande partie aucun impact sur l'amélioration du bien-être des personnes transgenres en raison des obstacles systémiques et des défauts fondamentaux de la législation. locaux. Elle postule, entre autres, que les poursuites en matière de droits humains sont coûteuses et la pauvreté symptomatique à laquelle sont confrontées de nombreuses personnes transgenres (55% de personnes transgenres ont un revenu annuel inférieur à $25,000 selon Sandy E James et al, Le rapport de l'enquête américaine sur les transgenres de 2015 (Washington, DC : National Center for Transgender Equality, 2016) à la p. 56) empêche la plupart de poursuivre leurs harceleurs en justice. Elle fait également valoir, en citant des preuves empiriques, que « la violence contre les personnes transgenres n'est pas prise aussi au sérieux que la violence contre les personnes cisgenres, ce qui fait que les agressions et les meurtres anti-trans font moins l'objet d'enquêtes, les auteurs sont moins fréquemment appréhendés et les accusés doivent faire face à des Châtiment". Plus important encore, elle soutient que les lois anti-discrimination ne répondent qu'aux actes commis par un transphobe archétypal. En d'autres termes, ils reposent sur des idées stéréotypées de comportement transphobe, qui ont une applicabilité limitée étant donné que la transphobie (ou « transantagonisme » comme l'écrit Ashley), est articulée à travers des institutions et des comportements conditionnés et se manifeste de manière plus subtile que des lois comme le Loi canadienne sur les droits de la personne présumer.

UNE CONCLUSION

Cet article analyse les cadres de la Loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel, que le projet de loi C-16 modifie. Le principal point à retenir à ce stade devrait être que ces lois ont une applicabilité très limitée. Cela ne signifie bien sûr pas que les résultats possibles ne doivent pas être sondés et débattus. Cependant, les prétentions à l'autoritarisme de la loi, à partir des manifestations ci-dessus, semblent au mieux ténues.

À propos de l’association canadienne sur les libertés civiles

L’ACLC est un organisme indépendant à but non lucratif qui compte des sympathisant.e.s dans tout le pays. Fondé en 1964, c’est un organisme qui œuvre à l’échelle du Canada à la protection des droits et des libertés civiles de toute sa population.

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