21 mai 2020.
Les fermetures de frontières provinciales et territoriales COVID19 prouvent le truisme de Mackenzie King selon lequel «le Canada est un pays avec trop de géographie et pas assez d'histoire». Alors que les territoires du nord et les provinces de l'Est (à l'exception de la Nouvelle-Écosse) se font concurrence pour le pire voisin constitutionnel, nous, à l'Association canadienne des libertés civiles, nous présentons devant les tribunaux cette semaine pour contester la législation récente et les décrets de Terre-Neuve-et-Labrador. Le dédain de The Rock pour les continentaux sans esprit peut donc augmenter, bien que je ne doute pas que ce sera fait avec humour.
Je dis que ces fermetures de frontières démentent l'histoire parce que tant de gouvernements provinciaux/territoriaux ont restreint la mobilité au Canada, même si c'est un droit constitutionnel. Un droit si sacro-saint qu'aucune législature ne peut l'annuler avec la clause nonobstant de la constitution. Maintenant, pourquoi serait-ce ? La réponse est l'histoire.
Que les premiers ministres aient donné à la mobilité sa prééminence constitutionnelle en 1982, c'est de l'histoire ancienne. Mais cette histoire était basée sur le passé du Canada, d'une nation dominée, démocratiquement, par le régionalisme. Le Dominion du Canada a joint ses parties en 1867 comme rempart à la balkanisation de ces régions, parce que cela avait toujours fait ressortir le pire du Canada et pour le Canada, sur d'innombrables fronts. Ainsi, la Loi constitutionnelle de 1867 garantissait la mobilité « comme si les frontières provinciales n'existaient pas », a statué la Cour suprême du Canada. Les côtes du Pacifique et de l'Atlantique n'ont été reliées par chemin de fer qu'après la confédération du Canada, malgré le régionalisme, grâce à une stratégie nationale approuvée lors des urnes.
Quant à l'histoire moderne, un pays si embrassant le multiculturalisme, l'égalité et l'immigration essaie d'unir, et non de diviser, le monde et lui-même. Une confédération cherchant enfin à se réconcilier avec les peuples autochtones devrait d'ailleurs savoir mieux que de revendiquer des terres provinciales ou territoriales comme les siennes, à l'exclusion des autres.
Je dis que les fermetures de frontières provinciales contredisent la géographie, non pas parce que la densité de population du Canada est 1/8 de celle des États-Unis. C'est vrai, mais le fait est que toute violation d'un droit garanti par la Charte exige des justifications fondées sur des preuves d'une nécessité impérieuse et d'une stricte proportionnalité. Les restrictions frontalières provinciales/territoriales répondant à COVID ne sont toutefois pas basées sur la densité de population et le besoin de distanciation sociale. C'est basé sur la résidence, comme si c'était nécessairement une mauvaise chose.
La mauvaise chose à laquelle les politiques de santé publique COVID19 tentent de s'attaquer est l'infection virale, en réduisant la densité de population et la proximité, à micro-échelle, afin d'augmenter la distanciation sociale, à macro-échelle, le tout au nom de la réduction des risques d'infection. Par conséquent, l'ordre du jour était de s'isoler et de se désagréger, avec des exceptions taillées pour les activités « essentielles ». Maintenant, si les juridictions qui ont ouvert le pont-levis avaient fondé leurs ordonnances juridiques sur des preuves de la densité de population, cela aurait été une chose. Mais ils ne l'étaient pas. Si vous vouliez traverser la « frontière » Québec-Labrador, dans l'un ou l'autre sens, vous deviez faire quelque chose de jugé « essentiel » (une liste inévitablement arbitraire, il s'avère. Aller au travail était jugé essentiel, mais aller aux funérailles de votre mère l'économie est plus importante que la famille ?). S'il ne s'agissait pas de «voyages essentiels», vous deviez être un local.
Maintenant, pourquoi diable cela aurait-il de l'importance si vous étiez un local ? La seule réponse constitutionnellement admissible doit être que la densité de population était si élevée dans cette province ou ce territoire qu'elle ne pouvait gérer que les locaux. Si la densité augmentait ne serait-ce que d'une personne, pendant une journée, selon cet argument sommaire, davantage de personnes tomberaient malades et mourraient. Le problème est qu'aucune preuve de densité de population n'a jamais été offerte, et aucune n'a été présentée dans l'ordre ou la législation pour justifier les limitations de mobilité, comme l'exige la constitution. Pire, ces ordonnances augmentant les restrictions de mobilité ont été promulguées après l'aplatissement de la courbe, alors que la nécessité diminuait.
Considérez chaque province comme un magasin d'alcools avec une file d'attente, probablement parce que la capacité maximale a été atteinte pour le magasin, basée sur le nombre de personnes par mètre carré avec une bulle de distanciation sociale. Quand c'est votre tour d'entrer, vous êtes refoulé parce que vous habitez de l'autre côté de la ville, du mauvais côté des voies. Ce critère de résidence peut-il être qualifié de nécessaire ou de proportionné ?
Imaginez maintenant qu'en plus de tout cela, vous remarquez que le magasin est en fait plein à craquer – beaucoup trop de monde, risquant d'être infecté. Ou qu'il est pratiquement vide – la densité est si faible qu'il n'y a pas besoin de faire la queue. Vous diriez à ce gérant de magasin : mon pote, tu as besoin d'un meilleur système.
À ces gouvernements canadiens excluant l'entrée basée sur la résidence : vous ratez vos examens d'histoire et de géographie. Ce n'est pas votre frontière de patrouiller. Nous sommes tous locaux.
Michael Bryant est directeur général de l'Association canadienne des libertés civiles et a été le 35e procureur général de l'Ontario.
À propos de l’association canadienne sur les libertés civiles
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