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dimanche 22 mars 2020

L'honorable David Lametti
Procureur général du Canada
Chambre des communes
Ottawa, Ontario K1A 0A6

Cher Monsieur le Procureur,

Je vous écris au sujet des réponses des ministères de la Justice canadiens au coronavirus et de la vôtre. Merci d'avoir répondu à ma lettre du 6 février 2020 et de la volonté de votre ministère de tendre la main à une variété d'intervenants et de voix sur le sujet ces derniers jours et semaines.

En particulier, j'écris sur trois sujets : le financement d'urgence des services provinciaux d'aide juridique; accès à l'information et transparence intergouvernementale des ordres juridiques; et l'administration de la justice pénale pendant une pandémie.

En ce qui concerne l'accès à la justice, d'innombrables avocats de partout au Canada se sont mobilisés pour servir l'intérêt public pendant l'épidémie de coronavirus. À leur tour, les systèmes provinciaux d'aide juridique ont dû se montrer à la hauteur. Aide juridique Ontario (« Aide juridique Ontario »), par exemple, a dépêché un avocat de service et financé un avocat de la défense pour aider au règlement des accusations et des mises en liberté provisoire par voie judiciaire en Ontario, permettant ainsi la libération de plus de 1 000 personnes en détention, mais une semaine. L'indemnisation versée aux avocats de la défense était toujours aussi maigre, mais AJO a dépassé les attentes les plus élevées dans ses actions pendant la crise, pour tenir compte des efforts héroïques des avocats. Le corollaire à cela est qu'il ne fait aucun doute que les procureurs de la Couronne et les tribunaux provinciaux ont également des coûts inattendus pour administrer le Code criminel fédéral et les lois connexes à l'heure actuelle. Le crédit est dû au barreau, au banc et à leurs institutions de soutien pour cette dette qu'ils ont contractée pour le bien public.

Tout comme le gouvernement fédéral aidera les ministères provinciaux de la Santé avec des fonds de secours et d'urgence dans les jours et les semaines à venir, les ministères provinciaux de la Justice auront besoin d'une aide financière pour compenser les coûts passés et futurs de la réponse à la crise. Plus tôt cela sera confirmé par le gouvernement du Canada, mieux ce sera. La division fédéraliste fiscale (injuste) des frais de poursuite et d'aide juridique est un problème de longue date qui ne doit pas être résolu aujourd'hui, mais elle ne devrait pas interférer avec les coûts spéciaux résultant de la réponse au coronavirus.

En ce qui concerne l'accès à l'information, au moins pendant la réponse au coronavirus, le pouvoir exécutif doit mieux s'aligner sur les pouvoirs législatif et judiciaire de l'État. Une décision judiciaire est rendue publique immédiatement après avoir été rendue. Il en est de même de l'action législative. Il n'en va pas de même pour les décrets du Cabinet. Alors que la communication politique d'une décision de l'Exécutif reçoit une grande attention avant et après sa prise, il n'en va pas de même pour la divulgation des ordres juridiques. Outre le retard de transparence, il semble qu'il n'y ait aucune coordination intergouvernementale.

Des efforts intergouvernementaux ont été déployés pour coordonner l'accès à l'information sur les soins de santé publics, mais pas en ce qui concerne l'état de droit tout aussi important. Il est parfois difficile de savoir si un ministre fédéral ou provincial de la Couronne ou un maire se contente de plaider depuis sa chaire d'intimidateur plutôt que d'annoncer un arrêté provisoire ou autre ou une directive légale en vertu d'une loi, d'un règlement ou d'un décret en conseil. Certaines provinces ont réussi à divulguer leurs arrêtés ministériels en même temps que les annonces publiques. Votre ministère s'est, je le sais, efforcé d'accroître la transparence fédérale, mais il reste un délai entre l'annonce et la divulgation des documents juridiques. À ma connaissance, il n'y a pas non plus d'emplacement central pour que le public puisse trouver de telles commandes. Si le contrôle judiciaire doit être exclu ou exclu par la société civile, nous avons besoin que la décision du gouvernement soit disponible une fois qu'elle a été prise.

La transparence et la primauté du droit devraient exiger que toute ordonnance rendue soit immédiatement divulguée au public. Les autres branches de l'État fonctionnent déjà de cette façon. De plus, contrairement à la plupart des décrets gouvernementaux en circonstances ordinaires, la coordination, la collaboration et la centralisation de l'information sur les lois canadiennes sur la gestion des urgences doivent être réunies le plus tôt possible. À notre avis, la responsabilité d'exécuter cette centralisation de l'accès à l'information devrait être assumée par le procureur général du Canada, en tant que surintendant de la primauté du droit parmi les pouvoirs exécutifs.

Je suis sûr que nous convenons que tout ce qui est fait par les agents publics doit être autorisé par la loi. Il s'ensuit que nous avons besoin d'accéder à l'information lorsque des lois rarement utilisées qui prévoient des pouvoirs exceptionnels sont invoquées. Les Canadiens ont besoin de votre aide pour obtenir ces renseignements juridiques.

Concernant l'administration de la justice en période de pandémie, L'ACLC et d'autres ont déjà fait connaître nos préoccupations concernant les corrections. Mais le problème plus important reste que le système judiciaire pénal fonctionne nécessairement à contre-courant des objectifs de santé publique. Alors que ce dernier concerne la distanciation sociale, le premier concerne trop souvent l'entreposage social. La Cour supérieure de l'Ontario a fait une remarque similaire cette semaine au sujet d'un examen de la mise en liberté sous caution : R. c. JS, 2020 ONSC 1710

Laissant de côté le refrain commun de l'ACLC sur la criminalisation excessive, il reste l'énigme particulière de la façon dont le système de justice pénale est administré, à travers le Canada, conformément aux directives contraires des responsables de la santé publique. La division des pouvoirs de la justice et le fédéralisme juridictionnel ont également contribué aux difficultés de coordination d'une réponse de santé publique à, par exemple, la surpopulation dans les prisons et les centres de détention pour migrants.

Même si un gouvernement était d'accord, pour réduire le surpeuplement dans les prisons, il faut que les procureurs de la Couronne (provinciaux et fédéraux) et les tribunaux (provinciaux et fédéraux) agissent en plus des actions de la police, de chaque juridiction, sans parler de l'administration des lois provinciales sur les infractions. La seule façon d'atteindre efficacement les objectifs de santé publique au sein du système de justice à multiples facettes du Canada est la coordination fédérale-provinciale-territoriale (« FPT ») des ministres de la Justice.

Nous n'avons aucune opinion quant à savoir si une réunion FPT Justice en ligne ou autrement est une solution. De plus, nous reconnaissons que certaines provinces ou territoires peuvent diverger sur l'approche appropriée. Néanmoins, une plus grande coordination et un pouvoir discrétionnaire quasi-judiciaire accru de la part du procureur général du Canada aideraient sans aucun doute à atteindre des objectifs communs.

En un mot, une approche de santé publique nécessiterait que le publiable soit publié; que la détention soit une mesure de dernier recours ; et que les exigences de santé publique soient importées dans la composante « intérêt public » du pouvoir discrétionnaire quasi judiciaire exercé par les procureurs, au moins :

  • Pour les personnes présumées innocentes, un pouvoir discrétionnaire quasi-judiciaire avant le procès devrait être exercé de manière à abandonner les poursuites lorsque cela est dans l'intérêt public, ce qui inclut les problèmes de santé publique soulevés par cette pandémie (c'est-à-dire que « l'intérêt public » peut être invoquée pour justifier la libération d'un prévenu, mais pas pour justifier le dépôt d'une accusation ou la poursuite d'une poursuite, en l'absence d'une perspective raisonnable de condamnation).
  • Respectueux de leurs rôles quasi judiciaires, tous les policiers et procureurs devraient être encouragés, avec le soutien de leurs gouvernements respectifs, à prendre en compte les objectifs de santé publique et à exercer leur pouvoir discrétionnaire comme suit :
    • Libérer les personnes inculpées sur les lieux, en renforçant le principe de retenue enchâssé dans la partie XVI du Code criminel ; à savoir, libérer tout le monde sur les lieux en l'absence d'un risque grave de fuite fondé sur des preuves pour des accusations très graves ; et,
    • Consentement aux mises en liberté provisoires par voie judiciaire pour les mêmes motifs de contrainte supplémentaire, conformément à R. v. JS, 2020 ONSC 1710.
    • Faciliter des audiences opportunes et équitables en utilisant la technologie disponible, même les téléphones, dans le but d'accorder des libérations avec des conditions minimales et flexibles, une libération conditionnelle, une probation et d'autres formes de libération dans la communauté ; et
    • Veiller à ce que les conditions de confinement respectent les normes humaines, notamment en prévoyant des visites virtuelles et une programmation adéquate dans la mesure du possible. En particulier, l'isolement et le confinement ne peuvent remplacer les libérations lorsque celles-ci sont possibles pour assurer la santé des détenus, du personnel correctionnel ou de leurs familles.
    • Conservez des données précises et désagrégées sur les verrouillages, l'isolement et d'autres mesures, pour assurer la transparence et la responsabilité.
    • Faciliter l'assouplissement de l'application inutilement stricte des preuves et des obstacles procéduraux pour faciliter une libération.

Pour les personnes condamnées, les outils juridiques existants pourraient être utilisés pour réduire la population carcérale (et la détention des immigrants) grâce à des libérations conditionnelles, des libérations pour compassion et d'autres mesures discrétionnaires. Chaque sortie de confinement atténuera la surpopulation, évitera la propagation de l'infection lorsque le virus atteint les établissements pénitentiaires et protégera les détenus, les agents correctionnels et les familles et communautés innocentes dans lesquelles les détenus et les détenus retourneront.

Le procureur général du Canada peut donc faire avancer efficacement les objectifs de santé publique dans l'ensemble du secteur de la justice, de diverses manières, dans le cadre des lois actuelles, en mettant particulièrement l'accent sur ceux qui deviennent facilement une réflexion après coup pendant une pandémie.

Merci d'avoir pris en compte ce qui précède.

Sincèrement,

Michael Bryant
Directeur exécutif et avocat général
Association canadienne des libertés civiles

À propos de l’association canadienne sur les libertés civiles

L’ACLC est un organisme indépendant à but non lucratif qui compte des sympathisant.e.s dans tout le pays. Fondé en 1964, c’est un organisme qui œuvre à l’échelle du Canada à la protection des droits et des libertés civiles de toute sa population.

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