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Au fur et à mesure que la controverse sur les poursuites SNC-Lavalin se déroule, les Canadiens fouillent dans une partie de notre constitution qui s'applique tous les jours, dans des centaines de salles d'audience à travers le Canada. Toutes les cinq minutes dans ce pays, quelque part, dans un tribunal, des procureurs de la Couronne (des avocats qui sont considérés comme des agents du procureur général) annoncent leurs décisions, sans aucune fanfare, souvent dans un langage codé qui n'est compréhensible que pour le barreau et la magistrature, sur la façon dont la Couronne entend mener une poursuite. Ils choisiront de procéder par voie de mise en accusation (plus grave) ou d'infraction sommaire (moins grave), selon l'accusation particulière. Ils demanderont que « l'information soit retirée » ou diront quelque chose comme : la Couronne abandonne les accusations. Presque toujours, ces décisions sont simplement l'expression des points de vue particuliers des procureurs. Parfois, le procureur de la Couronne (synonyme de procureur ou de la Couronne) énonce une décision de son supérieur.

Mais la plupart du temps, les procureurs présenteront des observations, des arguments, plaideront leur cause, au nom de la Couronne. Encore une fois, ces observations peuvent être motivées par des décisions prises par les supérieurs, conformément au manuel des politiques de la Couronne (publié en ligne en Ontario). Dans certaines provinces, dont l'Ontario et la Colombie-Britannique, il existe un protocole pour l'examen du poste proposé par la Couronne par ses supérieurs hiérarchiques. Avec le retrait d'une accusation très grave dans une affaire controversée, en Ontario, un panel de plusieurs procureurs de la Couronne siégera, comme s'il s'agissait d'un tribunal. Car ils sont, en quelque sorte, une cour de justice.

Les procureurs ou les procureurs de la Couronne sont considérés comme des agents quasi judiciaires, en vertu de notre système constitutionnel. Nous avons hérité de ce système du Royaume-Uni. La plupart des pays du Commonwealth en partagent les contours. Les États-Unis à bien des égards sont très différents, et à d'autres égards ne sont pas si différents. La plus grande différence aux États-Unis, c'est que leurs officiers judiciaires et quasi-judiciaires d'État sont élus à leur bureau spécifique ou procureur de district ou procureur général. Au Canada, le terme « quasi-judiciaire » implique toute l'indépendance que l'on attend des juges d'ici. Nos juges et nos procureurs ne sont pas responsables devant un électorat. Ils n'ont pas besoin d'être populaires et en effet nous ne voulons pas qu'ils fondent leurs décisions sur ce qui plaît aux masses. Ils sont là pour exiger la justice, sans égard aux considérations politiques.

C'est la partie judiciaire. La partie « quasi » fait référence au fait qu'ils sont également des défenseurs. C'est-à-dire qu'une partie de ce qu'ils font est judiciaire, et une partie de ce qu'ils font n'est pas judiciaire, mais plutôt accusatoire. En conséquence, ils retirent les charges lorsqu'il n'y a aucune perspective raisonnable de condamnation : c'est une fonction judiciaire. En fait, les juges ne peuvent pas retirer les charges ; seule la Couronne peut le faire. Le système est conçu pour éviter les erreurs judiciaires, pour éviter de condamner les innocents, plutôt que d'être conçu pour punir les coupables. C'est conçu de cette façon en raison des libertés civiles intégrées dans notre système, où il y a une présomption d'innocence.

Cette fonction quasi judiciaire s'exerce tous les jours, car les accusations portées par la police sont abandonnées par les procureurs, tandis que d'autres demeurent (p. jugée irrecevable, l'affaire semble s'être effondrée, obligeant la Couronne à abandonner les accusations. De même, la décision de procéder par voie de mise en accusation requiert un jugement indépendant. Sinon, il ne servirait à rien d'accorder ce pouvoir discrétionnaire à la Couronne. Au-delà de ces obligations quasi judiciaires (et de quelques autres), la Couronne peut ensuite plaider sa cause, présenter la preuve, de manière à orienter le juge ou le jury vers un verdict de culpabilité. Mais on ne dit pas que les couronnes gagnent ou perdent une affaire. Ils sont juste censés présenter l'affaire et laisser le tribunal décider.

Tout cela ressemble à BS sans aucun doute. C'est l'idéal, pourrait-on dire, pas la réalité. Personnellement, j'ai une perspective à ce sujet basée sur l'expérience et une certaine connaissance de la loi. Que le système fonctionne comme il se doit est évidemment une grande question politique, aux yeux de celui qui regarde. Mon point de vue a évolué au fil des années.

Laissant de côté la critique ou le commentaire éditorial sur le système de justice, c'est vrai pour la loi. Les procureurs ont des pouvoirs juridiques spéciaux que les autres avocats n'ont pas ; tout comme la police a des pouvoirs spéciaux que personne d'autre n'a au Canada. Le pouvoir d'enquêter, de rechercher des personnes et des biens, et de saisir également des biens ; le pouvoir d'employer la force légalement, voire la force meurtrière ; le pouvoir de porter une accusation criminelle contre quelqu'un. Tous ces pouvoirs policiers s'accompagnent de responsabilités particulières et, à leur tour, la police bénéficie d'un traitement différent dans le droit pénal. Si vous m'agressez, vous êtes accusé d'un crime moins grave que si vous agressez un policier. De même, si vous essayez de m'induire en erreur, cela n'a aucune conséquence juridique, car je n'ai aucun pouvoir. Mais si vous induisez en erreur un policier qui mène une enquête, c'est un crime : obstruction à la justice.

Les avocats de la défense pénale doivent souvent conseiller à leurs clients d'être très prudents lorsqu'ils sont interrogés par la police. Il y a le droit d'éviter l'auto-incrimination, mais il n'y a pas le droit d'interférer avec une enquête. J'ai eu des clients qui ont été arrêtés et accusés d'entrave à la justice en répondant « Je ne sais pas » à un policier demandant où était son petit ami. « Je ne sais pas » peut équivaloir à une obstruction à la justice. Il y a des accusations légères, inutiles et stupides comme celle-ci qui jonchent notre système judiciaire aujourd'hui.

Il n'en demeure pas moins que lorsqu'il s'agit d'un agent de police, il faut se garder de faire quelque chose qui entraînera une responsabilité pénale. Les policiers sont aussi parfois appelés agents quasi judiciaires, en tant que tel, parce que leur décision d'inculper quelqu'un est censée être indépendante, non pas en fonction de leur opinion personnelle de vous, mais de leur évaluation professionnelle des preuves.

Il en est de même pour les procureurs de la Couronne. Il y a des accusations criminelles spécifiques qui surgissent lorsqu'on s'en prend à une poursuite. Obstruction à la justice, abus de confiance, abus de procédure, pour ne nommer que trois infractions au Code criminel. Les avocats de la défense sont autorisés à juste titre à présenter leurs meilleurs arguments à la Couronne. Il ne fait aucun doute que SNC-Lavalin a envoyé bon nombre de ses avocats de la défense pour faire des présentations aux procureurs de la Couronne sur leur affaire. Mais si vous ou moi approchions ces mêmes procureurs de la Couronne, avec l'intention de leur accorder un traitement spécial, d'une manière qui interférerait avec le système judiciaire : eh bien, qu'il y a un crime.

Je connais une députée provinciale qui a commis la grave erreur de parler avec son procureur de la Couronne local de la poursuite contre un membre de sa famille, cajolant le procureur avec une histoire sanglante et un peu d'humour et de charme de voisinage. Ce fut la fin de sa carrière politique. Elle a été exclue du caucus après avoir plaidé coupable et obtenu une absolution inconditionnelle pour entrave à la justice, contrairement au Code criminel.

Les mêmes pouvoirs spéciaux s'appliquent au procureur général, qui est également un officier quasi judiciaire. Le procureur général est comme un procureur, formellement, car à l'époque où nous sommes devenus le Dominion du Canada, il était le procureur principal. Puis finalement, il a nommé des agents pour faire son travail. Ces agents étaient appelés procureurs de la Couronne. Aujourd'hui, il y a des milliers de procureurs de la Couronne fédéraux et environ un millier de procureurs de la Couronne provinciaux en Ontario, par exemple. Aujourd'hui, le procureur général est 90% politicien, 10% officier quasi-judiciaire, bien que ce soit un nombre arbitraire. Pour certains, la répartition est plus égale. Pour très peu, à l'époque contemporaine, ils sont tous deux des avocats de premier plan et Les politiciens.

La réalité d'aujourd'hui est donc à l'opposé de la structure juridique formelle. Aujourd'hui, le procureur général est principalement un décideur politique et un porte-parole de ce que font les procureurs de la Couronne, même s'ils sont officiellement les mandataires du procureur.

Mais il n'en demeure pas moins que le procureur général, de par la loi, a des pouvoirs juridiques spéciaux. Certaines d'entre elles sont effectivement opérationnelles, comme la nécessité de consentir (ou non) aux demandes de déclaration de délinquant dangereux par les procureurs. Certains de ces pouvoirs sont délégués à des experts en droit pénal, comme le procureur général ou le procureur général adjoint, pour procéder par exemple à une mise en accusation directe.

Ou, grâce à une modification du Code criminel apportée dans un projet de loi budgétaire (un vote contre le fait d'être un vote de défiance envers le gouvernement, comme l'a appris Joe Clark), un « accord de réparation » pourrait être conclu par une entreprise, à l'élection du procureur général du Canada. C'est une option odieuse qui se prête à une justice à deux vitesses (mais c'est pour un autre jour). Le fait est que l'AG a aujourd'hui très peu de pouvoirs pratiques pour changer la direction d'une poursuite, mais il reste néanmoins quelques pouvoirs obscurs dans le Code.

Jody Wilson-Raybould avait justement un tel pouvoir d'influencer la poursuite de SNC-Lavalin. Ce qu'elle aurait pu ou n'aurait pas pu faire n'a pas d'importance : le fait est qu'elle avait ce pouvoir et que son successeur l'a toujours aujourd'hui. L'allégation faite par le Globe & Mail est qu'un membre du CPM a fait ce que le député provincial susmentionné a fait : s'ingérer dans une poursuite.

Juste pour dire l'évidence : le premier ministre a le pouvoir ultime déterminant le privilège du procureur général d'occuper cette fonction. Le PM a le pouvoir de nommer, de mélanger ou de révoquer un procureur général. Donc, en fait, les efforts déployés par le CPM pour engager des poursuites en accédant au procureur général elle-même sont une circonstance beaucoup plus coupable que si un politicien local essayait de pousser un procureur de la Couronne. Le politicien local n'a pas le pouvoir réel d'embaucher ou de licencier le procureur. Mais le Premier ministre a plus que des pouvoirs formels sur son Cabinet. Le PM a de facto pouvoir sur Jody Wilson-Raybould. En fait, il l'a exercé lorsqu'il l'a retirée d'un poste ministériel et l'a placée dans un autre. La question est de savoir si l'un de ses fonctionnaires a tenté d'exercer ce pouvoir en lui parlant de ce qu'il fallait faire avec la poursuite de SNC-Lavalin.

Une telle conversation n'a peut-être pas eu lieu. Jusqu'à présent, nous ne savons tout simplement pas. Mais le fait même que la conversation ait eu lieu, si elle se produisait, pourrait déclencher une enquête policière. Il se peut qu'aucune ligne n'ait été franchie, mais il faut se demander : pourquoi diable quelqu'un du PMO s'avancerait-il jusqu'à cette ligne, ou même entrerait dans la pièce en premier lieu, alors qu'un faux mouvement pourrait entraîner une responsabilité pénale et la chute d'un gouvernement ?

J'ai une théorie. Ma théorie est que ces allégations, si elles sont vraies, découlent de la démission d'avocats de la classe politique au Canada. C'est une très bonne chose, dans la mesure où les perspectives non juridiques reflètent mieux celle de l'électorat. Les avocats ne dominent plus la Chambre des communes élue, ni le personnel politique des ministres du Cabinet, y compris le CPM. Trudeau lui-même est le deuxième Premier ministre à ne pas être avocat. Je le répète, cela présente d'énormes avantages pour l'intérêt public.

Vous pouvez voir, cependant, une autre conséquence. Auparavant, les présidents d'hôpitaux étaient censés être des médecins, jusqu'à ce qu'il devienne évident que l'expérience financière, de collecte de fonds et de gestion était plus importante que l'expérience médicale, lorsqu'il s'agissait de gérer une opération de plusieurs millions de dollars. Mais il peut y avoir une déconnexion, parfois, entre les deux professions et perspectives.

Si l'histoire du Globe est vraie, alors il y avait clairement un décalage au sujet de la poursuite SNC-Lavalin. Si ce ou ces membres du personnel du PMO n'étaient pas des avocats, alors ils n'avaient pas acquis les connaissances et l'expérience d'un chirurgien qui dirige un hôpital. Le problème est que ce responsable du cabinet du premier ministre est peut-être involontairement tombé dans une opération à cœur ouvert et vient de tuer quelques carrières, et peut-être un gouvernement. Peut-être que le PMO était simplement ignorant ou imprudent, et les éléments de l'infraction d'entrave à la justice ne sont pas établis. C'est en fait fort probable.

Mais il y a peut-être une raison pour laquelle le Premier ministre est actuellement en train de se débattre et de se faufiler autour de cette même question. Il a maintenant été démontré qu'un crime a pu être commis, suffisamment pour qu'une enquête criminelle puisse avoir lieu et que quelqu'un puisse être inculpé. Ou, il peut s'avérer qu'il n'y a tout simplement aucune preuve qui nécessiterait le dépôt d'une accusation criminelle. Mais je serais surpris si la police n'enquête pas au moment où nous parlons, même si je ne souhaite jamais une accusation criminelle contre qui que ce soit, et conscient que nous sommes tous innocents jusqu'à ce que notre culpabilité soit prouvée.

Tout cela m'amène à l'une des raisons pour lesquelles l'ACLC est entrée dans la mêlée sur cette question. Nous savons que ce gouvernement n'a pas été un promoteur des libertés civiles; nous les combattons régulièrement devant les tribunaux directement par le biais de requêtes ou d'interventions devant les cours d'appel, ou par le biais de plaidoyers devant les commissions législatives et sénatoriales. Ce gouvernement a été particulièrement punitif en ce qui concerne la régularité de la procédure et les sanctions. Le bilan législatif parle de lui-même et ne se distingue pas de leurs prédécesseurs conservateurs, qui ne craignaient pas d'être « durs contre la criminalité ». Alors maintenant qu'un CPM libéral peut faire face à la colère du système de justice pénale, il fait face à un compte. (Oui, j'ai personnellement eu un tel calcul, et cela a changé ma perspective, transformant la nuit en jour).

Le PM et le PMO ressentent le poids lourd qui est infligé à des personnes avec beaucoup moins de pouvoir et de privilèges qu'elles n'en ont. Ils devraient considérer, en ce moment, ce qu'ils ressentiraient s'ils n'avaient pas accès aux avocats les meilleurs et les plus brillants ; et, si comme la plupart des accusés criminels, ce que ce serait s'ils étaient malades mentaux, toxicomanes ou handicapés, pauvres, opprimés, honteux, complètement seuls. On peut espérer que ce gouvernement reconsidère en conséquence son regard ignorant et impitoyable sur le système de justice pénale.

À propos de l’association canadienne sur les libertés civiles

L’ACLC est un organisme indépendant à but non lucratif qui compte des sympathisant.e.s dans tout le pays. Fondé en 1964, c’est un organisme qui œuvre à l’échelle du Canada à la protection des droits et des libertés civiles de toute sa population.

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